Читаем La vie devant soi полностью

Quand elle est arrivée au rez-de-chaussée, Madame Rosa n’est pas sortie dans la rue, elle a tourné à gauche, vers l’escalier de la cave où il n’y a pas de lumière et où c’est le noir même en été. Madame Rosa nous interdisait d’aller dans cet endroit parce que c’est toujours là qu’on étrangle les enfants. Quand Madame Rosa a pris cet escalier, j’ai cru vraiment que c’était la fin des haricots elle était devenue macaque et j’ai voulu courir réveiller le docteur Katz. Mais j’avais à présent tellement peur que je préférais encore rester là et ne pas bouger, j’étais sûr que si je bougeais, ça allait hurler et sauter sur moi de tous les côtés, avec des monstres qui allaient enfin sortir d’un seul coup au lieu de rester cachés, comme ils le faisaient depuis que j’étais né.

C’est alors que j’ai vu un peu de lumière. Ça venait de la cave et ça m’a un peu rassuré. Les monstres font rarement de la lumière, c’est toujours le noir qui leur fait le plus de bien.

Je suis descendu dans le couloir qui sentait la pisse et même mieux parce qu’il n’y avait qu’un W.C. pour cent dans le foyer noir à côté et ils faisaient ça où ils pouvaient. La cave était divisée en plusieurs et une des portes était ouverte. C’est là que Madame Rosa était entrée et c’est de là que sortait la lumière. J’ai regardé.

Il y avait au milieu un fauteuil rouge complètement enfoncé, crasseux et boiteux, et Madame Rosa était assise dedans. Les murs, c’était que des pierres qui sortaient comme des dents et ils avaient l’air de se marrer. Sur une commode, il y avait un chandelier avec des branches juives et une bougie qui brûlait. Il y avait à ma grande surprise un lit dans un état bon à jeter, mais avec matelas, couvertures et oreillers. Il y avait aussi des sacs de pommes de terre, un réchaud, des bidons et des boîtes à carton pleines de sardines. J’étais tellement étonné que je n’avais plus peur, sauf que j’avais le cul nu et que je commençais à me sentir froid.

Madame Rosa est restée un moment dans ce fauteuil miteux et elle souriait avec plaisir. Elle avait pris un air malin et même vainqueur. C’était comme si elle avait fait quelque chose de très astucieux et de très fort. Puis elle s’est levée. Il y avait un balai dans un coin et elle a commencé à balayer la cave. C’était pas une chose à faire, ça faisait de la poussière et la poussière pour son asthme, il n’y avait rien de pire. Elle a commencé tout de suite à avoir du mal à respirer et à siffler des bronches, mais elle a continué à balayer et il n’y avait personne pour lui dire sauf moi, tout le monde s’en foutait. Bien sûr, on la payait pour s’occuper de moi et la seule chose qu’on avait ensemble, c’est qu’on avait rien et personne, mais il y avait rien de plus mauvais pour son asthme que la poussière. Après, elle a posé le balai et elle a essayé d’éteindre la bougie en soufflant dessus, mais elle avait pas assez de souffle, malgré ses dimensions. Elle a mouillé ses doigts avec la langue et elle a éteint la bougie comme ça. J’ai tout de suite filé, je savais qu’elle avait fini et qu’elle allait remonter.

Bon, je n’y comprenais rien, mais ça faisait seulement une chose de plus. Je ne savais pas du tout pourquoi elle avait la satisfaction de descendre six étages et des poussières au milieu de la nuit pour s’asseoir dans sa cave avec un air malin.

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