Il songe aux astronautes qui passent des dizaines d’années à l’intérieur de vaisseaux pareils, sans le moindre espoir d’en sortir entretemps. Il habite ici depuis près de six mois, quittant chaque jour les locaux étroits pour travailler dans le vide interplanétaire. Et la Terre lui manque déjà, avec ses steppes, ses mers, ses centres débordant de vie des zones habitées. Tandis qu’Erg Noor, Niza et vingt autres membres de l’équipage du
S’ils meurent en cours de route, leurs dépouilles enfermées dans une fusée s’envoleront dans le Cosmos… C’est ainsi que les barques funéraires de ses ancêtres emportaient en haute mer les guerriers tombés au champ d’honneur… Mais l’histoire de l’humanité n’a jamais connu de héros qui consentaient à la réclusion perpétuelle dans un vaisseau et quittaient le pays avec la certitude de ne plus revenir… Non, il se trompe et Véda le lui reprocherait! Atil donc oublié les champions anonymes de la dignité et de la liberté humaines, qui se vouaient à un destin encore plus terrible, à l’incarcération dans les oubliettes, aux pires tortures? Ces héros de jadis avaient plus de mérite que ses contemporains mêmes qui se préparaient à un vol glorieux dans le Cosmos, vers les mondes inexplorés!
Et lui, Dar Véter, attaché à sa planète, il était si petit en comparaison d’eux et ne ressemblait nullement à un ange du ciel, comme l’appelait pour rire l’adorable Véda Kong!
CHAPITRE XIV. LA PORTE D’ACIER
Le robot minier peina vingt jours dans l’obscurité humide jusqu’à ce qu’il eût déblayé les dizaines de milliers de tonnes de décombres et étayé les voûtes effondrées. L’accès du fond de la caverne était désormais ouvert. II ne restait plus qu’à en vérifier la sécurité. Des chariots automatiques, mus par des chenilles et une vis d’Archimède, descendirent sans bruit. Les appareils indiquaient, tous les cent mètres, la composition de l’air, la température et le degré d’humidité. Les chariots pénétrèrent à quatre cents mètres de profondeur, en évitant les obstacles. Véda Kong entra ensuite avec son équipe dans la grotte mystérieuse. Quatrevingtdix ans auparavant, lors d’une prospection d’eaux souterraines parmi des calcaires et des grès absolument stériles, les indicateurs avaient décelé soudain la présence d’une grande quantité de métal. On constata bientôt que le site correspondait à la description de celui qui entourait la fameuse caverne antique de DenofKoul, dont le nom signifiait «Refuge de la Culture» dans une langue disparue. Devant la menace d’une guerre terrible, les peuples qui s’estimaient les plus civilisés avaient caché là des trésors de leur culture. Le secret et le mystère étaient très eh usage à cette époque.
En se laissant glisser sur l’argile rouge qui tapissait le sol de l’entrée déclive, Véda se sentait aussi émue que la plus jeune de ses collaboratrices.
Elle imaginait des salles grandioses, avec des coffresforts remplis de films, d’épurés et de cartes, des armoires contenant des bobines d’enregistrements magnétophoniques ou des bandes de machines mnémoniques, des rayonnages chargés d’échantillons de composés chimiques, d’alliages et de médicaments; des animaux empaillés dans des vitrines étanches, des herbiers, des squelettes pétrifiés d’habitants disparus. Puis, elle se figurait des plaques en silicolle protégeant des peintures superbes, des statues des plus beaux représentants de l’humanité, des bustes d’hommes célèbres, des chefsd’œuvre de sculpteurs animaliers… Des maquettes d’édifices, des inscriptions commémoratives gravées sur la pierre et le métal…