Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome IV полностью

– Parlez, je vous écoute et je vous obéis, si la chose que vous désirez est possible.

– Possible… possible! murmura dédaigneusement le vieillard. Tout est possible, tu le sais bien.

– Oui, sans doute, avec le temps et la science.

– La science, je l’ai; le temps, je suis sur le point de le vaincre; ma dose a réussi; mes forces sont presque totalement disparues; les gouttes blanches ont provoqué l’expulsion d’une partie des restes de la nature vieillie. La jeunesse, pareille à cette sève des arbres en mai, monte sous la vieille écorce et pousse, pour ainsi dire, l’ancien bois. Tu remarqueras, Acharat, que les symptômes sont excellents: ma voix est affaiblie, ma vue a baissé des trois quarts, je sens par intervalles ma raison s’égarer; la transition du chaud au froid m’est devenue insensible, il est donc urgent pour moi d’achever mon élixir, afin que, le propre jour de ma seconde cinquantaine, je passe de cent ans à vingt sans hésitation; mes ingrédients pour cet élixir sont préparés, le conduit est fait; il ne manque plus que les trois dernières gouttes de sang que je t’ai dit.

Balsamo fit un mouvement de répugnance.

– C’est bien, dit Althotas, renonçons à l’enfant, puisque tu aimes mieux t’enfermer avec ta maîtresse que de me le chercher.

– Vous savez bien, maître, que Lorenza n’est point ma maîtresse, répondit Balsamo.

– Ah! ah! ah! fit Althotas, tu dis cela, tu crois m’en imposer à moi comme à la multitude; tu veux me faire croire à la créature immaculée et tu es homme!

– Je vous jure, maître, que Lorenza est chaste comme la sainte Mère de Dieu; je vous jure qu’amour, désirs, voluptés terrestres, j’ai tout sacrifié à mon œuvre; car, moi aussi, j’ai mon œuvre régénératrice; seulement, au lieu de s’appliquer à moi seul, elle s’appliquera au monde entier.

– Fou, pauvre fou! s’écria Althotas; je crois qu’il va encore me parler de ses cataclysmes de cirons, de ses révolutions de fourmis, quand je lui parle de la vie éternelle, de l’éternelle jeunesse.

– Qui ne peut s’acquérir qu’au prix d’un crime épouvantable, et encore…

– Tu doutes, je crois que tu doutes, malheureux!

– Non, maître; mais enfin, puisque vous renoncez à votre enfant, dites, voyons, que vous faut-il?

– Il me faut la première créature vierge qui te tombera sous la main: homme ou femme, peu importe; cependant une femme vaudrait mieux. J’ai découvert cela à cause de l’affinité des sexes; trouve-moi donc cela, et hâte toi, car je n’ai plus que huit jours.

– C’est bien, maître, dit Balsamo; je verrai, je chercherai.

Un nouvel éclair, plus terrible que le premier, passa dans les yeux du vieillard.

– Tu verras, tu chercheras! s’écria-t-il; oh! c’est donc là ta réponse. Je m’y attendais, d’ailleurs, et je ne sais pas comment je m’en étonne. Et depuis quand, infime vermisseau, créature parle-t-elle ainsi à son créateur? Ah! tu me vois sans forces, ah! tu me vois couché, tu me vois sollicitant, et tu es assez sot pour me croire à ta merci? Oui ou non, Acharat, et n’aie dans les yeux ni embarras ni mensonge; car je vois et je lis dans ton cœur, car je te juge et je te poursuivrai.

– Maître, répondit Balsamo, prenez garde. votre colère va vous nuire.

– Réponds! réponds!

– Je ne sais dire à mon maître que ce qui est vrai; je verrai si je puis vous procurer ce que vous désirez, sans nous nuire à tous deux, sans nous perdre même. Je chercherai un homme qui nous vende la créature dont vous avez besoin; mais je ne prendrai pas le crime sur moi. Voilà tout ce que je puis vous dire.

– C’est fort délicat, dit Althotas avec un rire amer.

– C’est ainsi, maître, dit Balsamo.

Althotas fit un effort si puissant, qu’à l’aide de ses deux bras appuyés sur ceux de son fauteuil, il se dressa tout debout.

– Oui ou non! dit-il.

– Maître, oui, si je trouve; non, si je ne trouve pas.

– Alors, tu m’exposeras à la mort, misérable; tu économiseras trois gouttes de sang d’un animal immonde et nul comme la créature qu’il me faut pour laisser tomber dans l’abîme éternel la créature parfaite que je suis. Écoute, Acharat, je ne te demande plus rien, dit le vieillard avec un sourire effrayant à voir; non, je ne te demande absolument rien; j’attendrai; mais, si tu ne m’obéis pas, je me servirai moi-même; si tu m’abandonnes, je me secourrai. Tu m’as entendu, n’est-ce pas? Va, maintenant.

Balsamo, sans rien répondre à cette menace, prépara autour du vieillard ce qui lui était nécessaire; il mit à sa portée la boisson et la nourriture, s’acquitta de tous les soins, enfin, qu’un vigilant serviteur aurait eus pour son maître, qu’un fils dévoué aurait eus pour son père; puis, absorbé dans une autre. pensée que celle qui torturait Althotas, il baissa la trappe pour descendre, sans remarquer que l’œil ironique du vieillard le suivait presque aussi loin qu’allaient son esprit et son cœur.

Althotas souriait encore comme un mauvais génie, lorsque Balsamo se retrouva en face de Lorenza toujours endormie.

<p id="_Toc103006316">Chapitre CXXVIII Lutte</p>

Là, Balsamo s’arrêta, le cœur gonflé de douloureuses pensées.

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