Le jeune homme obéit, ouvrit le creuset, et y trouva une parcelle de charbon vitrifié de la grosseur d’une petite noisette.
– Un diamant! s’écria-t-il.
Puis presque aussitôt:
– Oui, mais taché, incomplet, sans valeur.
– Parce que le feu s’est éteint, Acharat; parce qu’il n’y avait pas de mitre à ma cheminée, entendez-vous!
– Voyons, pardonnez-moi, maître, dit le jeune homme en tournant et retournant son diamant, qui tantôt jetait de vifs reflets de lumière, tantôt restait sombre; voyons, pardonnez-moi, et prenez quelque nourriture pour vous soutenir.
– C’est inutile, j’ai bu ma cuillerée d’élixir il y a deux heures.
– Vous vous trompez, maître, c’est ce matin à six heures que vous l’avez bue.
– Eh bien! quelle heure est-il donc?
– Il est tantôt deux heures et demie du soir.
– Jésus! s’écria le savant en joignant les mains, encore une journée passée, enfuie, perdue! Mais les jours diminuent donc? mais ils n’ont donc plus vingt-quatre heures?
– Si vous ne voulez pas manger, dormez au moins quelques instants, maître.
– Eh bien! oui, je dormirai deux heures; mais dans deux heures regardez à votre montre; dans deux heures vous viendrez me réveiller.
– Je vous le promets.
– Voyez-vous, quand je m’endors, Acharat, dit le vieillard d’un ton caressant, j’ai toujours peur que ce ne soit dans l’éternité. Vous viendrez me réveiller, n’est-ce pas? Ne me le promettez pas, jurez-le-moi.
– Je vous le jure, maître.
– Dans deux heures?
– Dans deux heures.
On en était là quand on entendit sur la route quelque chose comme le galop d’un cheval. Ce bruit fut suivi d’un cri qui exprimait à la fois l’inquiétude et l’étonnement.
– Que veut dire encore ceci? s’écria le voyageur en ouvrant vivement la porte, et en sautant sur la grand-route sans employer l’aide du marchepied.
Chapitre III Lorenza Feliciani
Voici ce qui s’était passé à l’extérieur de la voiture, tandis que dans l’intérieur causaient le voyageur et le savant.
Au coup de tonnerre qui avait abattu les chevaux de devant et fait cabrer ceux de derrière, nous avons dit que la femme du cabriolet s’était évanouie.
Elle resta quelques instants privée de ses sens, puis peu à peu, comme la peur seule avait causé son évanouissement, elle revint à elle.
– Oh! mon Dieu, dit-elle, suis-je abandonnée ici sans secours, et n’y a-t-il aucune créature humaine qui prenne pitié de moi?
– Madame, dit une voix timide, il y a moi, si toutefois je pouvais vous être bon à quelque chose.
À cette voix, qui résonnait presque à son oreille, la jeune femme se redressa, et, passant sa tête et ses deux bras à travers les rideaux de cuir de son cabriolet, elle se trouva en face d’un jeune homme qui se tenait debout sur le marchepied.
– C’est vous qui m’avez parlé, monsieur? dit-elle.
– Oui, madame, répondit le jeune homme.
– Et vous m’avez offert votre secours?
– Oui.
– Qu’est-il arrivé d’abord?
– Il est arrivé, madame, que le tonnerre vient de tomber presque sur vous, et qu’en tombant il a brisé les traits des chevaux de devant, qui se sont sauvés emportant le postillon.
La femme regarda autour d’elle avec l’expression d’une vive inquiétude.
– Et… celui qui conduisait les chevaux de derrière, où est-il? demanda-t elle.
– Il vient d’entrer dans la voiture, madame.
– Il ne lui est rien arrivé?
– Rien.
– Vous êtes sûr?
– Il a du moins sauté à bas de son cheval en homme sain et sauf.
– Ah! Dieu soit loué!
Et la jeune femme respira plus librement.
– Mais où donc étiez-vous, vous, monsieur, que vous vous trouvez là si à propos pour m’offrir votre aide?
– Madame, surpris par l’orage, j’étais là dans cet enfoncement sombre, qui n’est autre chose que l’entrée d’une carrière, quand tout à coup j’ai vu venir du tournant une voiture lancée au galop. J’ai cru d’abord que les chevaux s’emportaient, mais j’ai bientôt vu qu’au contraire ils étaient guidés par une main puissante, quand tout à coup le tonnerre est tombé avec un fracas si terrible que je me suis cru foudroyé moi-même, et qu’un instant je suis demeuré anéanti. Tout ce que je viens de vous raconter, je l’ai vu comme dans un rêve.
– Alors vous n’êtes pas sûr que celui qui conduisait les chevaux de derrière soit dans la voiture?
– Oh! si, madame. J’étais revenu à moi, et je l’ai parfaitement vu entrer.
– Assurez-vous qu’il y est encore, je vous prie.
– Comment cela?
– En écoutant. S’il est dans l’intérieur de la voiture, vous entendrez deux voix.
Le jeune homme sauta à bas du marchepied, s’approcha de la paroi extérieure de la caisse et écouta.
– Oui, madame, dit-il en revenant, il y est.
La jeune femme fit un signe de tête qui voulait dire: «C’est bien!» mais elle demeura la tête appuyée sur sa main, comme plongée dans une profonde rêverie.
Pendant ce temps, le jeune homme eut le temps de l’examiner.