Harry regarda Cho passer en compagnie de Marietta, la tête cachée sous une cagoule. Pendant un instant, il croisa le regard de Cho qui rougit et poursuivit son chemin puis il s’intéressa à nouveau à l’échiquier, juste à temps pour voir un de ses pions chassé de sa case par un cavalier de Ron.
– Au fait, heu… qu’est-ce qui se passe entre vous deux ? murmura Ron.
– Rien, répondit Harry, en toute sincérité.
– J’ai… heu… entendu raconter qu’elle sortait avec quelqu’un d’autre, maintenant, dit timidement Hermione.
Harry s’aperçut avec une certaine surprise que cette information ne l’affectait en aucune manière. L’envie d’impressionner Cho appartenait à un passé révolu auquel il ne se sentait plus vraiment lié. D’ailleurs, il en était ainsi de beaucoup de choses qu’il avait désirées avant la mort de Sirius… La semaine qui s’était écoulée depuis qu’il avait vu son parrain pour la dernière fois lui avait paru durer beaucoup, beaucoup plus longtemps. Elle s’étendait entre deux mondes, celui où Sirius avait été présent et celui où il n’était plus là…
– C’est une bonne chose pour toi, mon vieux, dit Ron avec conviction. Oh bien sûr, elle est jolie mais il te faudrait quelqu’un d’un peu plus joyeux.
– Elle doit sans doute être très joyeuse avec un autre, dit Harry en haussant les épaules.
– Et avec qui elle est, maintenant ? demanda Ron à Hermione, mais ce fut Ginny qui répondit.
– Michael Corner, dit-elle.
– Michael, mais…, s’étonna Ron en tendant le cou pour mieux la voir. C’est toi qui sortais avec lui !
– Plus maintenant, assura Ginny. Il n’était pas content que Gryffondor ait battu Serdaigle au Quidditch. Il faisait tout le temps la tête, alors je l’ai laissé tomber et il s’est consolé avec Cho.
Elle se gratta le nez d’un air distrait avec l’extrémité de sa plume, retourna
– J’ai toujours pensé qu’il était un peu idiot, dit-il en avançant sa reine vers une tour de Harry. (La tour se mit à trembler.) C’est très bien pour toi, la prochaine fois, tu choisiras peut-être quelqu’un… de mieux.
Il jeta à Harry un coup d’œil étrangement furtif.
– Maintenant, j’ai choisi Dean Thomas. Tu le trouves mieux ? demanda Ginny d’un ton absent.
– QUOI ? s’écria Ron en renversant l’échiquier.
Pattenrond se précipita sur les pièces et Hedwige et Coquecigrue se mirent à hululer et à pépier d’un air courroucé sur leur filet à bagages.
Lorsque le train ralentit à l’approche de la gare de King’s Cross, Harry songea que jamais il n’avait eu si peu envie d’en descendre. Il se demanda même pendant un bref instant ce qui se passerait s’il refusait de sortir et restait obstinément assis là jusqu’au 1er septembre où le train le ramènerait à Poudlard. Mais, dès que le convoi se fut enfin immobilisé, il prit la cage d’Hedwige et se prépara, comme d’habitude, à quitter le wagon en traînant sa grosse valise derrière lui.
Quand le poinçonneur leur fit signe qu’ils pouvaient franchir sans risque la barrière magique entre les quais 9 et 10, une surprise attendait Harry de l’autre côté : un véritable comité d’accueil était venu à sa rencontre.
Il aperçut Maugrey Fol Œil, qui paraissait aussi sinistre avec son chapeau melon enfoncé sur son œil magique que s’il était resté tête nue. Ses mains noueuses tenaient un grand bâton et son corps était enveloppé d’une grosse cape de voyage. Tonks se tenait juste derrière lui, ses cheveux d’un rose chewing-gum brillant à la lumière du soleil qui filtrait à travers la verrière crasseuse de la gare. Elle était vêtue d’un jean abondamment rapiécé et d’un T-shirt violet sur lequel on pouvait lire : « Les Bizarr’ Sisters ». Lupin était à côté d’elle, le teint pâle, les cheveux grisonnants, un long pardessus usé couvrant un pantalon et un pull-over miteux. Enfin, parés de leurs plus beaux atours de Moldus, Mr et Mrs Weasley menaient le groupe, accompagnés de Fred et de George qui arboraient des blousons flambant neufs d’un vert criard.
– Ron, Ginny ! appela Mrs Weasley en se précipitant vers ses enfants pour les serrer dans ses bras. Oh, et Harry… Comment vas-tu ?
– Très bien, mentit Harry tandis qu’elle l’étreignait à son tour.
Par-dessus l’épaule de Mrs Weasley, Harry vit Ron regarder avec des yeux ronds les nouveaux vêtements des jumeaux.
– Et c’est en
– En peau de dragon de la meilleure qualité, petit frère, dit Fred en tirant d’un petit coup sec sur sa fermeture Éclair. Les affaires marchent à merveille et on s’est dit qu’on pouvait bien s’offrir un petit cadeau.
– Bonjour, Harry, dit Lupin lorsque Mrs Weasley le lâcha pour se tourner vers Hermione.
– Bonjour, dit Harry. Je ne m’attendais pas… Qu’est-ce que vous faites tous là ?
– Eh bien, répondit Lupin avec un léger sourire, nous avons pensé qu’il serait bon d’avoir une petite conversation avec ta tante et ton oncle avant qu’ils te ramènent à la maison.
– Je ne sais pas si c’est une bonne idée, dit aussitôt Harry.