Le soir tombait quand le généreux vieillard considéra leur pèlerinage terminé à travers les édifices religieux de la ville. Alors que le soleil se couchait, Cneius Lucius désireux de connaître toute l'intensité des nouvelles pensées de sa petite-fille, la conduisit finalement à l'autel familial où étaient alignées les magnifiques icônes en ivoire des dieux domestiques.
Célia, ma chérie - a-t-il dit enfin se reposant sur un grand divan devant les idoles - je t'ai emmenée aujourd'hui aux temples de Jupiter et de Sérapis où j'ai offert des sacrifices pour notre bonheur ; mais plus que notre bonheur, je désire ma chère enfant le tien. J'ai remarqué que tu accompagnais mes gestes et, néanmoins, tu ne démontrais pas une dévotion sincère et ardente. Peut-être, as-tu rapporté de la province quelque idée nouvelle, contraire à nos croyances?!...
Elle écouta les paroles de son vénérable grand-père, l'âme perdue dans de profonds schismes. Elle comprit d'un regard toute la situation et habituée aux rigoureuses traditions de la famille, elle devina que son père avait sollicité une telle intervention dans l'intention de la faire revenir sur ses idées ainsi que sur ses convictions les plus intimes.
Cher grand-père - a-t-elle répondu les yeux humides où transparaissait sa sublime innocence -, je vous ai toujours aimé de toute mon âme et vous m'avez enseigné à dire toute la vérité en toutes circonstances.
Oui - s'exclama Cneius Lucius admiratif devinant les émotions de l'adorable enfant , à tout instant tu es présente dans mon cœur. Parle, mon enfant, avec la plus grande franchise! Je n'ai appris d'autre chemin que celui de la vérité face à nos traditions et à nos dieux...
D'abord je dois vous dire que je pense que c'est mon père qui vous a demandé de m'amener à changer mes sentiments religieux actuels.
La vénérable ancien a fait un geste d'étonnement en raison de ce commentaire inattendu.
Oui - a continué la fillette -, peut-être que mon père ne peut me comprendre... Il ne pourrait jamais m'entendre avec bienveillance sans protester énergiquement, mais même ainsi, je continuerai toujours à l'aimer, malgré son cœur qui ne me comprend pas.
Alors, mon enfant, pourquoi nier à Helvidius tes plus Intimes confidences ?...
J'ai essayé de lui parler un jour alors que nous étions encore en Judée, mais j'ai immédiatement compris que mon père jugerait mal mes paroles les plus sincères, percevant ainsi que la vérité pour être totalement comprise doit être examinée par des cœurs du même âge spirituel.
Mais, ma fille, que fais-tu des liens sacrés de la famille ?
Ils sont dans l'amour et dans le respect que j'ai toujours cultivés ; toutefois grand- père, sur le terrain des idées, les liens de sang ne signifient pas toujours l'harmonie des idées entre ceux que le ciel a unis dans le cocon familial. Vénérant et estimant mon père de mon affection filiale, tout en respectant les traditions de son nom, j'ai épousé des idées auxquelles je ne pouvais adhérer à son avis, pour l'instant...
Mais que veux-tu dire par âge spirituel ?...
Que la jeunesse et la vieillesse, comme nous les voyons de par le monde, ne sont que l'expression d'une vie physique qui finit avec la mort. Il n'y a pas de jeunes, ni de vieux mais des âmes jeunes dans leur façon de raisonner ou profondément riches dans le domaine des expériences humaines.
Que veux-tu dire par là ? - a demandé l'ancien fort admiratif. - As-tu une aussi vaste connaissance des auteurs grecs ?! Cela est bien étrange, ton père vient juste de trouver un esclave cultivé destiné tout spécialement à enrichir ton éducation et celle de ta sœur.
Grand-père, vous connaissez bien ce profond désir d'apprendre qui m'a toujours poussée dès mon enfance. Bien qu'étant jeune, je sens dans mon esprit le poids d'un âge millénaire. Pendant toutes ces années d'absence en province, j'ai passé mon temps disponible à dévorer la bibliothèque que mon père ne pouvait emporter dans ses déplacements en Idumée.
Mais ma fille - s'exclama le respectable ancien sincèrement consterné -, tu n'aurais pas agi comme les malades qui, à force de chercher la vertu dans tous les médicaments à portée de main, finissent lamentablement intoxiqués ?!...
Non, cher grand-père, je ne me suis pas empoisonnée. Et si une telle chose est arrivée, depuis plus de deux ans je porte dans le cœur le meilleur des antidotes contre l'influence nocive de toutes les toxines de ce monde.
Lequel ? - a interrogé Cneius Lucius de plus en plus surpris.
Une croyance fervente et sincère.
As-tu soumis de telles pensées à l'invocation de nos dieux?...
Non, cher grand-père, j'ai du mal à l'admettre, mais Je sens dans votre âme la même capacité de compréhension qui vibre dans la mienne et je dois être Sincère. Les dieux de nos anciennes traditions ne me satisfont déjà plus...
Comment cela, mon enfant ? À quelles entités des Cieux confies-tu aujourd'hui ta foi sublime et fervente ?...
Et comme si dans ses grands yeux vibraient une étrange lumière, Célia a répondu calmement :