Читаем Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 полностью

— Où allez-vous donc, Jean ? Vous en avez trop dit l'un et l'autre pour ne pas éveiller ma curiosité. Suis-je donc censée ignorer votre nouvelle mission

? Car c'est en mission que Monseigneur Philippe vous envoie, n'est-ce pas ?

Ce n'était pas, en effet, la première fois que Philippe de Bourgogne utilisait les talents diplomatiques de son peintre favori. La sensibilité d'artiste de Van Eyck le rendait tout à fait propre aux ambassades particulièrement délicates. Il haussa les épaules.

— Oui, il m'envoie comme légat. J'aurais préféré qu'il vous annonçât lui-même la nouvelle mais, après tout, vous le saurez bien un jour, tôt ou tard.

Le duc m'envoie au Portugal. Je dois y faire des ouvertures, auprès du roi Jean Ier, en vue d'un mariage éventuel entre l'infante Isabelle et...

Il s'interrompit, n'osant aller plus loin. Ce fut Catherine qui, doucement, acheva la phrase commencée :

— ... entre l'infante Isabelle et le duc de Bourgogne ! Voyons, mon ami, me croyez-vous assez sotte pour ne pas savoir qu'il lui faut se marier, une nouvelle fois, s'il veut enfin avoir un héritier ? Il y a longtemps que j'attends une nouvelle comme celle- là. Et je ne suis pas surprise. Pourquoi donc tant de précautions oratoires ?

— Je craignais que vous n'en eussiez de la peine. L'amour du prince pour vous est immense et je sais que ce mariage n'est qu'un mariage de raison.

L'infante a plus de trente ans, on la dit belle mais on dit cela de toutes les princesses et...

— Allons ! Allons ! coupa encore Catherine, cette fois en .riant. Voilà que vous plaidez encore. Ne vous mettez donc pas martel en tête de la sorte.

Je connais mieux que vous les sentiments de Monseigneur Philippe... et les miens propres. Et vous ne m'avez fait aucune peine. Parlons de choses sérieuses : avec cette mission, quand donc finirez-vous mon portrait ?

— Je ne partirai qu'à la fin du mois, j'ai encore tout le temps...

La nouvelle si étourdiment rapportée par Saint- Rémy la touchait plus qu'elle ne voulait bien l'admettre car son existence allait s'en trouver changée. Elle avait toujours su, depuis la mort de la seconde femme de Philippe, qu'un jour viendrait où il faudrait choisir une nouvelle duchesse.

La puissance du duc de Bourgogne ne faisait que croître, tout lui réussissait et ses états s'agrandissaient. Il avait, tout récemment, conclu à son avantage la guerre de Hollande, menée contre sa turbulente cousine, la belle Jacqueline de Luxembourg, une héroïne de roman d'aventure. Vaincue, la belle comtesse avait dû faire de Philippe son héritier. De plus, le comte de Namur, dont le duc devait, à sa mort, récupérer les terres, était fort malade.

À si grand état il fallait non seulement une souveraine, mais surtout une descendance. Les bâtards que Philippe avait eus de plusieurs maîtresses ne pouvaient espérer lui succéder.

Mais, si Catherine savait qu'un jour une autre femme s'assoirait sur le trône aux côtés de Philippe, elle n'en avait pas moins pris, d'avance, une sérieuse décision : celle de céder la place, de se retirer... Pendant trois ans, l'amour de Philippe avait fait d'elle une véritable reine sans couronne, la maîtresse et l'astre de la Cour. Son orgueil renâclait à se rabaisser au rôle, humiliant, de maîtresse même favorite.

Le temps était venu de prendre une décision. Mais laquelle ? Le mieux serait sans doute de retourner en Bourgogne. D'abord à Châteauvillain. Il y avait deux ans qu'elle n'avait vu son fils qu'Ermengarde élevait avec un soin dévotieux mais non sans énergie. L'enfant lui manquait, maintenant.

— À quoi songez-vous, Catherine ? demanda Saint-Rémy. Vous êtes bien loin de nous, il me semble. Voici Van Eyck qui voudrait prendre congé et vous ne l'entendez même pas.

Elle s'excusa d'un sourire :

— Pardonnez-moi ! A demain, Jean... Finissons- en avec ce tableau puisque aussi bien le temps vous presse-Le peintre ne répondit pas. Il hocha tristement la tête. La nuance nerveuse du ton de Catherine ne lui avait pas échappé. Il s'inclina très bas sur la main qu'elle lui tendait.

— Que je sois, moi, chargé de cette mission qui vous peine..., fit-il, moi qui donnerais ma vie pour vous éviter une larme ! Quelle ironie !

— Mais non. Partez sans crainte en Portugal. Faites un beau portrait de l'Infante et menez à bien votre mission. Je n'ai pas de peine, je vous l'affirme. Je quitterai la Cour sans regret car j'en suis lasse. A votre retour, vous saurez bien me retrouver. Nous serons toujours amis.

Il laissa tomber à regret la main fine qu'il avait gardée un instant entre les siennes, se retira sans un mot. Jean de Saint-Rémy qui n'avait pas bougé de son siège le regarda sortir avec un sourire.

— Si celui-là n'est pas follement épris de vous, je veux bien être pendu !

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