Читаем Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 полностью

Pâquerette l'avait trahie, mais auparavant elle l'avait accueillie, soignée et, si la jalousie l'avait égarée, elle n'avait tout de même pas mérité un sort aussi cruel. Catherine ne voulait pas voir brûler les maisons de Saint- Seine. Elle refusait, farouchement, de laisser couler le sang. Elle allait rejoindre son mari. Au surplus, les derniers événements l'avaient brisée et elle éprouvait envers l'existence un étrange détachement...

Mais Ermengarde veillait. La comtesse sentait ce qui se passait dans l'âme de la jeune femme et ne la quittait pas plus que son ombre. Et quand Catherine, enfin, la supplia de la laisser aller, elle se fâcha.

— Ma chère, dans cette affaire, vous n'êtes plus seule en cause. Je dirai même, sans vouloir vous offenser" que vous êtes devenue accessoire ! Que votre Garin se soit présenté pacifiquement à la porte de cette maison, eût demandé un entretien à mon cousin, lui eût calmement réclamé sa femme et Jean ne pouvait lui refuser au moins de vous rencontrer. La suite des événements eût dépendu de cette entrevue. Mais il est venu en armes, accompagné d'un bandit notoire, l'insulte et la menace à la bouche. Voilà ce que nous ne pouvons tolérer. Il y va de notre honneur. On ne menace pas un Blaisy dont le père a tenu en respect le duc Philippe le Hardi en personne, pas plus qu'une Châteauvillain.

— Mais alors, que va-t-il se passer ? gémit Catherine au bord des larmes.

— Honnêtement, je n'en sais rien ! Il faut attendre. Les murs de ce monastère sont solides et capables de soutenir un siège. Or, je n'ai pas remarqué chez nos adversaires la moindre machine d'assaut. Pas le moindre mangonneau, pas le plus petit trébuchet et encore moins de tours roulantes.

Donc, en principe, tant que cette porte demeurera close nous ne risquerons rien. Le problème va être de défendre les gens du village contre la furie de ces démons...

— Vous voyez bien qu'il faut que j'y aille !

Ne répétez donc pas toujours la même chose, fit Ermengarde avec lassitude.

Je vous dis, moi, que vous resterez ici. Même si pour cela je dois vous enfermer. Laissez faire l'abbé. Vous l'avez vu à l'œuvre tout à l'heure. Au surplus, il sera temps pour vous de parlementer avec Garin quand viendra l'aube... mais du haut du rempart. Jusque-là, tenez- vous tranquille et, comme je devine que vous ne pourrez pas dormir plus que moi, faisons la seule chose sensée : allons à la chapelle et prions. Au surplus mon intuition me dit que votre reddition ne changerait rien. Ces gens flairent le sang !

Il n'y avait rien à répondre à ce discours. Catherine baissa la tête et suivit Ermengarde. Tandis qu'elles gagnaient la grande église encore inachevée, une activité intense s'emparait de l'abbaye. Dans la cour d'entrée, de grands feux avaient été allumés sous d'énormes marmites de fer dans lesquelles une chaîne de moines versaient de pleines jarres d'huile ou faisaient fondre de la poix. On sortait des granges les fourches et les faux, des ateliers les marteaux et tous les outils tranchants. Au milieu de toute cette activité, Jean de Blaisy allait et venait, sa robe relevée dans sa ceinture révélant des bottes et des éperons d'or, car, dans sa jeunesse et avant d'entrer dans les ordres, il avait reçu l'investiture chevaleresque. Il était transformé, l'abbé de Saint-Seine ! L'ardeur à la bataille des guerriers dont il portait le sang dans ses veines se réveillait avec la menace. Si le Bègue de Pérouges et Garin de Brazey osaient porter le fer et le feu sur la maison du Seigneur, ils seraient reçus par le fer et par le feu. L'homme de prière s'était mué en homme de guerre et ses moines, séduits peut- être par l'action violente qui se préparait et qui tranchait si crûment sur leur vie de travail et de méditation, se joignaient à lui d'un seul élan. Il n'était pas un seul de ces vigoureux Bourguignons voués au service du Seigneur qui ne se sentît pousser une âme de Templier... La cour était pleine de crânes rasés, de robes noires qui, à l'exemple de l'abbé, se relevaient sur des jambes musculeuses et de larges pieds étalés par le port des sandales. Lorsque l'on eut chanté matines, car Jean de Blaisy n'entendait pas que Dieu fût lésé dans cette histoire, une sorte de conseil de guerre réunit chez l'abbé les différents dignitaires du couvent pour aviser aux dispositions encore à prendre. Mais, bien entendu, les trois femmes n'y eurent point part.

Dans la chapelle, agenouillée auprès d'Ermengarde qui priait de tout son cœur, la tête dans ses mains, Catherine essayait vainement de s'adresser à Dieu. Une invincible appréhension de ce qui allait se passer la tourmentait.

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