Читаем Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 полностью

L'attrait de la peur fut plus fort en elle que la peur même. Tendant le cou, elle regarda entre Ermengarde et le merlon auquel la comtesse s'appuyait, vit la figure pâle de Garin éclairée par les lueurs d'incendie. De son mari, son regard glissa sur les deux victimes aveugles qui s'étaient laissées tomber sur le sol, plus qu'à demi mortes. Malgré le sang qui maculait leur visage, elle les reconnut avec un cri rauque qui s'étrangla dans sa gorge : c'étaient Pâquerette et Gervais ! Sara, rapide comme l'éclair, étouffa ce cri sous sa main, tirant Catherine en arrière d'un bras énergique. Un silence profond s'était fait sur le village et le vallon. La voix calme de l'abbé en prit une résonance plus profonde :

— Ma porte se ferme chaque fois que le soleil se couche, dit-il, Es-tu donc un tel mécréant pour ignorer les coutumes des maisons de Dieu ?

— Je ne les ignore pas. Je désire seulement entrer.

— Pour quoi faire ? Demandes-tu l'asile ? J'en doute à te voir ainsi entouré. Les armes des hommes doivent tomber au seuil du Seigneur. Si tu veux entrer, Garin de Brazey, tu entreras... mais seul !

Le compagnon de Brazey prit la parole. Sa voix éraillée passa comme une lime sur les nerfs tendus de Catherine.

— Pourquoi me refuserais-tu l'entrée, moine ? Je suis le Bègue de Pérouges.

Je le sais, fit Jean de Blaisy sans s'émouvoir. Je t'ai reconnu et je connais le chemin de sang qui est le tien : les femmes égorgées, les enfants embrochés et les villages en flammes ont depuis longtemps crié vers le ciel contre toi.

Tu es une bête puante et les bêtes puantes n'entrent pas ici ! Jette tes armes, couvre ta tête de cendres et demande pardon à Dieu. Alors seulement tu entreras. Je reconnais ta marque à ces deux malheureux que tu traînes à ta suite. Si tu veux que je t'écoute, laisse mes frères les recueillir.

L'autre eut un gros rire insultant.

— Tu perds ta pitié, moine ! Deux sorciers adorateurs de Satan, des traîtres de surcroît ! Seul le bûcher peut leur convenir !

Mais Garin s'impatientait de cette discussion. Il éleva la voix, se dressant debout sur ses étriers.

— Trêve de bavardages, sire abbé ! Je suis venu te réclamer ma femme, Catherine de Brazey qui se cache dans ton abbaye. Rends-la-moi et nous passerons notre chemin. Je te promets même d'égorger sur l'heure et sans souffrances ces deux misérables qui l'ont cachée, guidée jusqu'ici.

— Sans souffrances ? fit dédaigneusement l'abbé. As-tu perdu l'esprit, Grand Argentier de Bourgogne ? Crois-tu que ton maître te pardonnera de t'être acoquiné avec le bandit que voilà ? De quel droit viens- tu ici me parler en maître ? Oublies-tu qui je suis ? Mon sang est plus noble que le tien et je suis homme de Dieu, passe ton chemin. Ta femme, épuisée, à demi morte à cause de toi, est venue ici. Elle a invoqué le droit d'asile que tout malheureux, quel qu'il soit, est en droit de réclamer au seuil des abbayes. Et je lui ai accordé ce droit. Elle ne quittera cette maison que de son plein gré.

Malgré l'horreur où l'avait plongée le sort affreux de Pâquerette et de Gervais, Catherine ne pouvait se défendre d'admirer la fière contenance du prieur. Sa mince et haute silhouette noire se dressait sur le fond rougeoyant de la nuit éclairée par les torches. Il était debout au bord de cet abîme au fond duquel les visages haineux de Garin, du Bègue de Pérouges et de leurs hommes semblaient autant de démons vomis par l'enfer. Il était pareil à l'ange sombre du Jugement en face des réprouvés, étendant sur eux ses grandes ailes, pour rejeter ou pour accueillir.

— Je suis la Résurrection et la Vie ! murmura Sara d'une voix troublée, et Catherine comprit que sa vieille amie éprouvait la même sensation qu'elle-même.

Quant à Ermengarde, la joie et l'orgueil éclataient sur son visage. Elle était fière de l'abbé. C'était toute sa race qui parlait là, sans colère mais non sans hauteur !

— Écoute bien, Jean de Blaisy, s'écria Garin dont la voix se mit à monter, tremblante de fureur, jusqu'à un insoutenable fausset. Je te donne jusqu'à l'aube pour réfléchir. Nous allons camper ici et ne ferons aucun mal à ton village si tu te montres raisonnable... mais seulement jusqu'à l'aube. Quand le jour se lèvera, ou bien ta porte s'ouvrira pour livrer passage à ma femme, ou bien nous raserons le bourg, brûlerons ses maisons et donnerons l'assaut à ton abbaye.

C'était plus qu'Ermengarde n'en pouvait endurer. Elle bondit en avant, reçut en plein visage le reflet des flammes qui lui conféra une sauvage grandeur.

— Brûler un village, donner l'assaut à une abbaye ? Qui donc, après ces hauts faits, te sauvera de la colère de Philippe de Bourgogne, Garin de Brazey ? Crois-tu qu'il laissera ta maison debout, ton château entier, tes terres intactes et ta tête maudite sur tes épaules ? C'est le bourreau qui t'attend si tu oses lever la torche ou le glaive contre cette terre d'Église.

Garin éclata de rire.

Перейти на страницу:

Похожие книги