Читаем Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 полностью

Mais, la nuit venue et Margot endormie, il se tenait dans la cave des Son des conciliabules où la maçonnerie n'avait que fort peu de place. C'était là que l'on recevait des nouvelles sûres du procès grâce à certains Frère Prêcheurs de l'ordre de Saint Dominique, appartenant au couvent Saint-Jacques, qui suivaient régulièrement les séances, devenues privées au début du mois de mars. Ces moines, frère Isambert de La Pierre et frère Martin Ladvenu, aidaient Jehanne de tout leur pouvoir et la conseillaient de leur mieux quand ils pouvaient l'approcher. Mais Cauchon et Warwick faisaient bonne garde autour de leur proie et frère Isambert, qui avait conseillé à Jehanne d'en appeler au Pape et au Concile de Bâle, se vit menacer d'être mis dans un sac et jeté à la Seine par le terrible évêque de Beauvais. Tous deux plaignaient la Pucelle et l'admiraient profondément. Ils retraçaient pour Jean Son et ses amis son calvaire de chaque instant, rapportaient ses réponses, toujours si simples, si claires et si pleines de foi, aux pires pièges tendus par les docteurs, partiaux et avides de plaire au vainqueur, qui l'interrogeaient. Jehanne se défendait avec une intelligence, une maîtrise et une précision, dans sa mémoire des réponses déjà faites, qui tenaient du prodige, surtout lorsque l'on considérait que cette enfant de dix-huit ans ne savait ni lire ni écrire. Tout juste signer son nom.

— Tout, dans ce procès, est illégal, faux, pourri, disait frère Isambert de sa belle voix grave. Cauchon a promis de la tuer mais il désire surtout jeter le discrédit sur le roi de France. Et, pour en arriver là, il ne reculera devant rien !

On sut, par lui, que Jehanne avait été conduite dans la salle de tortures du donjon mais qu'elle était demeurée ferme et droite devant les fouets armés de plomb dont on la menaçait, que rien ne parvenait à abattre son extraordinaire courage. Mais, plus les jours passaient et plus elle était difficile à atteindre.

Jean Son, accompagné d'Arnaud qui, pour être mieux déguisé, avait laissé pousser sa barbe, s'était rendu à la tour de Bouvreuil sous prétexte d'examiner la maçonnerie et de s'assurer qu'aucune galerie n'avait été creusée pour faire évader la prisonnière. Tous deux étaient revenus désespérés.

— Nul ne peut lui parler. Elle est gardée à vue, plus que sévèrement. Et le château regorge de soldats. Nous avons été fouillés au moins dix fois à l'aller et au retour. Il faudrait une armée solide pour attaquer pareille forteresse, dit Arnaud en se laissant tomber sur un escabeau. Nous n'y arriverons jamais... Jamais !

Un moment, les conjurés avaient songé à tenter d'acheter certains juges au moyen des bijoux de Catherine. Mais frère Isambert les en avait dissuadés.

— Ce serait inutile. Il me répugne de porter pareil jugement sur des hommes d'Église mais ils accepteraient la fortune offerte... et vous livreraient aussitôt. Aucun d'eux n'hésiterait, même un instant, à manger à plusieurs râteliers. Ceux qui étaient de bonne foi, comme l'évêque d'Avranches, se sont récusés depuis longtemps.

— Que faire, alors ? demanda Catherine.

Maître Jean Son haussa ses grasses épaules et

avala d'un trait un plein pot de vin pour se donner du courage.

— Attendre le jour de la condamnation... puisqu'elle doit immanquablement venir et tenter quelque chose à ce moment-là. C'est notre seule chance... la seule chance de Jehanne, que Dieu ait pitié d'elle, dit-il.

Quand ils quittaient le profond caveau voûté, ancien cellier roman, qui servait de cave à Jean Son et se retrouvaient dans leur soupente, Arnaud et Catherine ne trouvaient plus rien à se dire. Entre eux se dressait l'ombre tragique et pitoyable de la prisonnière. Elle les unissait dans le même effort, la même volonté de l'arracher à un sort injuste mais, en même temps, elle les séparait de toute la hauteur de son martyre. Comment s'abandonner à l'amour quand on savait tout ce que, si près, endurait la jeune fille?

Mais, un soir, comme on allait se mettre à table pour le souper, quelqu'un frappa au volet de la rue. Margot alla ouvrir. Un homme de haute taille, tout vêtu de noir, entra.

— Le bonsoir à tous ! fit-il, et pardon si je dérange. Il faut que je voie maître Son.

L'homme portait un capuchon qui cachait une partie de son visage mais Catherine vit clairement qu'à son aspect Nicole avait pâli et frissonné. Elle se pencha vers sa pseudo-cousine, demanda tout bas :

— Qui est-ce ?

— Geoffroy Terrage... le bourreau ! fit l'autre d'une voix blanche. Sans même prendre la peine de dissimuler son expression de dégoût, Jean Son s'était levé de table et avait interposé sa massive personne entre les femmes frissonnantes et la silhouette noire de l'exécuteur.

— Que veux-tu ? demanda-t-il rudement.

— J'ai besoin de vous, maître Son, et dès demain. J'ai reçu ordre de faire dresser pour après-demain, jeudi 24 mai, une haute maçonnerie de plâtre dans le cimetière Saint-Ouen.

— Pourquoi faire cette maçonnerie ?

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