Читаем Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 полностью

Lorsqu'elle eut vu la haute silhouette noire disparaître à l'intérieur de la maison, Catherine s'écarta de la fenêtre et alla s'asseoir sur son lit, attendant qu'on l'appelât. Il faisait chaud, malgré l'épaisseur des murs qui gardaient bien la fraîcheur. Et pourtant, la jeune fille frissonna dans sa robe argentée. Une angoisse insurmontable s'emparait d'elle à cette minute où il allait lui falloir affronter le regard de l'homme condamné à mort. Les mains glacées, elle se mit à trembler de tous ses membres, prise d'une folle panique. Dents claquantes mais la tête en feu, elle regarda autour d'elle, cherchant éperdument un trou, une issue par où s'enfuir car la seule idée de rencontrer Garin, de toucher sa main peut-être, la laissait sans forces et faible jusqu'à la nausée.

Les bruits de la maison lui parvenaient, étouffés mais menaçants. Au prix d'un effort, elle s'arracha de son lit, se traîna vers la porte en se retenant aux murs. Elle n'était plus capable de raisonner sainement.

Elle n'était plus qu'animale terreur. Sa main se crispa sur la serrure ciselée dont les volutes de fer blessèrent son index où perla une goutte de sang. Mais elle ne parvint pas à ouvrir tant elle tremblait. Pourtant, la porte s'ouvrit. Sara parut. Elle poussa un petit cri en découvrant Catherine, blême jusqu'aux lèvres, derrière le battant.

— Que fais-tu là ? Viens ! On te demande.

— Je... je ne peux pas ! balbutia la jeune fille. Je ne peux pas y aller !

Sara l'empoigna aux deux épaules et se mit à la secouer sans ménagements. Les traits de son visage brun s'étaient durcis jusqu'à lui faire une sorte de masque barbare, ciselé dans quelque bois exotique.

— Quand on a le courage de souhaiter certaines choses, on a aussi celui de les regarder en face, déclara-t-elle sans ambages. Messire Garin t'attend !

Elle se radoucit en voyant des larmes jaillir des prunelles violettes.

Lâchant Catherine, elle s'en alla, en haussant les épaules, mouiller un linge à l'aiguière d'argent de la toilette. Après quoi elle en aspergea vigoureusement le visage de la jeune fille. Les couleurs y reparurent aussitôt. Catherine respira profondément. Sara aussi.

— Voilà qui est mieux ! Viens à présent et tâche de faire bonne contenance, fit-elle en glissant son bras sous celui de Catherine pour l'entraîner vers l'escalier.

Incapable désormais de la moindre réaction, celle- ci se laissa emmener docilement.

Les tables du dîner avaient été dressées dans la grande salle du premier étage et adossées à la cheminée sans feu. En entrant, Catherine vit Marie de Champdivers assise dans son fauteuil habituel et, dans l'encoignure de la fenêtre, son époux qui s'entretenait à mi-voix avec Garin de Brazey.

C'était la seconde fois que, sous le toit des Champdivers, elle rencontrait le grand argentier mais le choc qu'elle ressentit en recevant sur elle le regard appréciateur de son œil unique, c'était bien la première fois qu'elle l'éprouvait. Quand il était venu à l'hôtel de la rue Tâtepoire, au soir de l'installation de Catherine, il ne s'était guère occupé d'elle. Quelques paroles indifférentes, si banales que la jeune fille n'en avait pas gardé le souvenir. Il avait passé presque toute la soirée à discuter avec Guillaume de Champdivers, abandonnant sa future épouse à elle-même et à la bonté de Marie. Attitude dont Catherine lui avait d'ailleurs été très reconnaissante, car elle lui enlevait des scrupules.

Pensant que les choses se passeraient encore de la même façon, elle se dirigea vers les deux hommes pour leur souhaiter le bonsoir. Mais, la voyant venir, ils avaient interrompu leur conversation et s'étaient levés. Les yeux baissés de Catherine ne lui permirent pas de voir l'expression de surprise émerveillée qui s'étendit sur leurs deux visages et que Garin traduisit poétiquement.

— L'aurore d'un jour d'été n'est pas plus belle. Vous êtes une merveilleuse apparition, ma chère !

Tout en parlant, il courbait sa haute taille en un salut profond, la main sur le cœur, en réponse à la révérence de la jeune fille.

Champdivers aussi s'inclina, un sourire satisfait sur son visage de furet. Une telle beauté avait des chances de retenir longtemps le cœur volage de Philippe le Bon et Champ- divers entrevoyait une longue suite de profits et d'honneurs en récompense du service rendu. Pour un peu il se fût frotté les mains...

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