Читаем Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 полностью

Et nous resterons jusqu'à demain. J'ai à faire avec les liniers de la cité.

Catherine avait sommeil. Elle n'y voyait aucun inconvénient.

En quittant Courtrai, Mathieu Gautherin décida d'aller bon train. Il estimait avoir suffisamment perdu de temps et souhaitait revoir bientôt les murs de Dijon, les tours de Saint Bénigne et les coteaux de Marsannay où il avait sa vigne. Bien sûr, il n'avait aucune inquiétude pour sa maison demeurée à la garde de sa sœur Jacquette, de sa nièce Loyse et de cette Sara qu'elles avaient amenée avec elles depuis Paris et à laquelle, malgré les années écoulées, Mathieu n'était pas encore parvenu à s'habituer. Catherine, que cela amusait beaucoup, prétendait que l'oncle Mathieu avait peur de Sara, ce qui ne l'empêchait pas d'en être amoureux, et que c'était justement cela qu'il ne lui pardonnait pas.

Talonnant sa mule, le chaperon sur le nez, Mathieu marchait comme si le diable eût été à ses trousses. Catherine trottait auprès de lui, les trois valets derrière, deux sur une seule ligne et le troisième en arrière-garde à l'extrémité de la caravane. On avait quitté les terres du duc de Bourgogne. Bientôt on quitterait celles de l'évêque de Cambrai pour entrer sur les domaines du comte de Vermandois, un chaud partisan du dauphin Charles. Il serait plus prudent de ne pas s'y attarder. C'était la hâte de franchir ce mauvais pas qui donnait des ailes au brave drapier.

On suivait pour le moment le cours supérieur de l'Escaut, en se dirigeant vers Saint Quentin. Le chemin, serpentant, le long de l'eau, coulait facilement entre des collines vertes, des courbes douces mouchetées de moutons blancs qui éloignaient jusqu'à l'idée même de la guerre. Pourtant de loin en loin, un village détruit, brûlé jusqu'aux fondations, qui ne tendait plus vers le ciel que quelques poutres informes sur un terrain charbonné, disait que ce pays ne connaissait pas la paix. Parfois aussi un cadavre, pendu à la branche basse d'un arbre, dessinait parmi les jeunes feuilles un gros fruit lugubre devant lequel Catherine détournait les yeux.

Le jour déclinait et le crépuscule apportait avec lui d'épais nuages gris de fer moutonnant d'inquiétante façon au-dessus des croupes herbeuses. Catherine, saisie par la fraîcheur de l'air, frissonna.

— Nous allons avoir de l'orage, fit l'oncle Mathieu qui observait l'horizon depuis un moment. Le mieux serait de s'arrêter à la prochaine auberge. Pressons le pas. Si ma mémoire est bonne, il y en a une à la croisée de la route de Péronne...

Les mules, talonnées vigoureusement, prirent un petit galop sec, tandis que les premières gouttes d'eau commençaient à tomber. Au bout d'un moment, Catherine arrêta sa monture tout net, obligeant Mathieu à en faire autant.

— Qu'est-ce qui te prend ? maugréa l'oncle.

Mais la jeune fille descendait calmement de sa selle, ôtait son manteau qu'elle pliait soigneusement et se dirigeait vers l'une des mules de bât, celle qui portait son coffre de voyage.

— Je ne veux pas abîmer mon manteau. La pluie le perdrait.

— Et tu préfères nous faire tremper maintenant ? Si tu m'avais écouté, mais tu n'en fais jamais qu'à ta tête ! La nuit tombe, la pluie aussi... J'ai horreur de ça, moi ! C'est très mauvais pour mes douleurs !

Aidée de Pierre, le plus vieux des valets qui avait toujours eu pour elle toutes les indulgences, Catherine rangea son manteau sans s'émouvoir, en prit un dont l'épaisse bure noire était à l'épreuve des plus grosses averses, s'en enveloppa et se dirigea vers sa monture pour remonter en selle.

C'est alors que quelque chose attira son attention. Les roseaux étaient particulièrement épais à cet endroit et formaient, avec trois gros saules noueux, une sorte de fourré que renforçaient encore des ronces. Or, au milieu de ce fourré, quelque chose brillait de manière insolite, quelque chose de noir. Obliquant vers la berge, Catherine s'approcha du fourré.

— Eh bien, que fais-tu encore ? ronchonna Mathieu, la pluie tombe déjà bien, je ne sais pas si tu t'en rends compte...

Mais Catherine n'écoutait pas. Écartant les herbes et les feuilles, elle venait de découvrir le corps d'un homme inerte, couché à plat ventre au milieu des ronces, ne donnant pas signe de vie. Rencontrer sur son chemin un corps humain n'était pas une chose rare dans ces temps troublés, mais le côté insolite de celui-ci résidait dans le fait qu'il s'agissait, non d'un quelconque vilain, mais bel et bien d'un chevalier. L'armure d'acier noir, ruisselante d'eau, qui le couvrait entièrement et l'épervier du casque l'affirmaient. L'homme avait dû se traîner hors de la rivière. Une trace grasse laissée sur le bord et la position crispée de ses mains nues accrochées encore à une ronce solide qui les avait déchirées en faisaient foi.

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