Читаем Abzalon полностью

Tremblant de tous ses membres, il se laissa dévêtir comme un enfant, marqua juste une légère résistance lorsqu’elle lui retira son pantalon. Elle se recula, le couvrit d’un regard caressant, puis l’embrassa avec une ferveur inhabituelle, avec la même attention, le même recueillement que si c’était leur premier et dernier baiser. La douleur, la plante vénéneuse, grimpait déjà le long de sa colonne vertébrale et lui incisait les nerfs. Ce fut pire lorsque la bouche d’Ellula, après avoir rampé sur sa poitrine et sur son ventre, cueillit délicatement son sexe. Une écharde acérée, brûlante, le transperça de part en part. Il s’agrippa à l’étagère pour résister à l’impulsion qui lui commandait de l’empoigner par les cheveux et de la projeter de toutes ses forces contre la cloison. Un hurlement terrifiant s’échappa de sa gorge. Ses genoux tremblaient, frappaient les tempes, les bras, les épaules d’Ellula, mais elle resta accroupie entre ses jambes, effrayée, les larmes aux yeux, la bouche pleine de ce bout de chair qui refusait de grandir, les mâchoires douloureuses, levant de temps à autre les yeux sur les grosses mains qui tournoyaient autour d’elle comme des rapaces ivres de colère, qui pouvaient à tout moment s’abattre sur elle et lui briser les os du crâne. Il agrippa soudain une mèche d’Ellula et la repoussa avec une telle brutalité qu’elle crut entendre craquer ses vertèbres. Il se releva et la tira par les cheveux sur quelques mètres. Poupée désarticulée, elle heurta violemment l’étagère basse, tomba sur le plancher métallique, entrevit le visage d’Abzalon déformé par la haine, un masque funeste et grimaçant de démon. Envahie d’une peur immense, elle n’éprouvait aucun regret, elle était allée aussi loin que le lui ordonnait son devoir d’épouse. L’ordre cosmique ne lui avait pas permis de réconcilier Abzalon avec lui-même, mais il choisissait l’heure et la manière, et elle se conformait à sa volonté, non pas avec la résignation des épouses kroptes mais comme une femme libre, consentante. Elle ne pleurait pas sur elle-même ni sur les chocs qui lui meurtrissaient le cou, les hanches, la poitrine et les jambes, mais sur lui, sur l’homme blessé qui refusait d’être aimé. Il la souleva comme une brindille, la tint à bout de bras pendant un temps qui s’étira indéfiniment, poussant des gémissements qui ressemblaient à des vagissements de nouveau-né. Elle lui posa alors la main sur le front, un geste de pardon. Il se tendit pour la catapulter contre la porte, hésita, vacilla, libéra un long cri de désespoir, puis il se dirigea vers la couchette où il la reposa et se laissa choir sur le plancher, la tête entre les mains.

Pendant de longues minutes, elle demeura allongée sur la couchette, couverte de sueur, incapable d’esquisser le moindre geste, tandis que le silence de la cabine s’emplissait des sanglots d’Abzalon. Elle décida de ne pas permettre au sentiment d’échec de s’installer entre eux, se secoua, l’invita à la rejoindre d’une pression de la main sur l’épaule. Il tourna vers elle un visage bouleversé et vint docilement s’étendre à ses côtés.

Elle déploya toute sa sensibilité, toute sa tendresse lors de sa deuxième tentative. La crise qui le secoua alors fut moins longue et surtout moins violente que la précédente. Il se tordit de douleur sur la couchette, griffa la cloison, mais n’essaya pas de fuir ni ne chercha à la frapper. Attentive à ses réactions, elle s’interrompit lorsqu’il fut sur le point de franchir le seuil intolérable de la souffrance et le laissa se reposer. Elle revint à la charge un peu plus tard avec la même douceur, avec la même détermination. Elle l’embrassa, lui lécha le visage, aventura sa bouche et ses mains sur son torse, sur son ventre, eut la sensation que sa peau rugueuse s’était relâchée, assouplie. Ses caresses ne déclenchèrent plus que de brèves convulsions, des répliques décroissantes de la colère qui avait failli les emporter tous les deux. Il transpirait en abondance et ses plaintes sourdes exprimaient autre chose que la souffrance. Elle surmonta son épuisement, la lourdeur de ses membres, la crispation de ses mâchoires pour persévérer, d’autant qu’il lui semblait percevoir d’infimes soubresauts dans la chair flasque qui lui distendait la bouche. Il ne bougeait plus, ne respirait plus, comme s’il craignait de dissiper par un mouvement maladroit la magie de l’instant. Car son sexe se gorgeait peu à peu, c’étaient maintenant des ondes de plaisir, encore ténues, encore fragiles, qui se diffusaient dans son bas-ventre.

Gagnée par les crampes, tétanisée, suffocante, secouée de spasmes, Ellula avait perdu le contrôle de ses gestes. Elle abandonna, se recula, rouvrit les yeux, ne put retenir une exclamation de surprise. À quelques centimètres de ses yeux se dressait un aiguillon luisant, imposant, intimidant, aussi droit et lisse que le reste du corps d’Abzalon était granuleux et tordu.

« Tu as réussi, Abzalon ! » s’écria-t-elle, riant et pleurant en même temps.

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