Как бы охотно, маминька, вместо этого письма я послал бы самого себя к вам по почте и как бы охотно променял я ландшафт, что у вас теперь перед глазами, на вид Старого Пимена…* Более нежели когда-нибудь я всею душою моею буду с вами во все эти три дня*. Да сохранит вас Господь и помилует и доставит нам обоим утешение свидеться, тотчас по возвращении моем в Россию. Насчет же моего здоровья не беспокойтесь, прошу вас. Все мои лечения идут своим порядком, и при теперешней превосходной погоде, я убежден, что они принесут мне много пользы. — Здесь мне удалось напасть на доктора, очень опытного и искусного и который, кажется, вполне понял, что́ мне надобно, так что я имею право надеяться, что моя поездка и пребывание за границею не пропадут даром и что будущею зимою мне будет гораздо лучше и легче. Только бы вы с вашей стороны могли мне дать такие же добрые вести о вашем здоровье, как я о своем… Если теперь жена моя с вами, обнимите ее за меня… также и Marie. В конце этого месяца, или много, много в начале того, надеюсь увидеться и с ними, и с вами. Дай-то Бог!.. Поручаю всех нас Его милосердию и от полноты души обнимаю вас и целую ваши ручки.
Тютчевой А. Ф., 10 октября 1861*
3. А. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 10 октября 1861 г. ПетербургSt-Pétersbourg. Mardi. 10 oct 1861
Ma fille chérie, merci de n’avoir pas désespéré de moi et d’avoir continué à me parler à travers mon silence. Quant à moi, je ne peux te dire, avec quel attendrissement j’ai lu toutes tes [1] qui nous arrivaient ici de toi toutes baignées de lumière et de contentement à la surface, avec un envers si triste et si gris… Ah, ma pauvre Anna, je ne m’étais donc pas trompé, j’avais donc raison de croire qu’il y avait dans ton être de puissantes facultés de bonheur qui ne demandaient qu’à s’exercer et que le milieu seul dans lequel la destinée t’avait placée en avait jusqu’à présent empêché l’épanouissement… Et tout comme tu as trouvé, dans ton organisation, de quoi savourer les enchantements d’un beau ciel et d’une belle nature, tu aurais su aussi… mais il m’en coûte d’insister là-dessus et de te renvoyer inutilement l’écho des mélancoliques réflexions que tu auras été à même de faire bien souvent sur le redoutable problème de tant de facultés et d’énergies internes que la nature a mises en nous, et que la destinée a condamnées à ne jamais se révéler au grand jour et être mises en œuvre, dans l’intérêt de notre bonheur et de celui des autres…
Et cependant, ma fille, tout en étant moi-même une pauvre créature fort peu héroïque assurément, personne n’apprécie plus que moi tout ce qu’il y a de valeur morale dans une nature qui, à défaut de bonheur, sait au besoin lui substituer le devoir…Et voilà pourquoi — pourrais-je ajouter — ma fille n’est pas muette, comme celle de la comédie*.
Cela ne m’empêche pas, toutefois, de sympathiser profondément avec le chagrin de cœur que tu éprouveras à te réveiller de ce songe doré qui t’avait si complètement envahie, qui était devenir pour toi une si chère et si bienfaisante réalité, la réalité par excellence et qui aux premiers pas que vous ferez dans cette terrible voie du retour va pâlir et s’effacer de plus en plus…
Il y a aussi dans tes lettres certaines choses que je n’ai pu lire, comme tu penses bien, sans une certaine satisfaction qui ressemblait à celle d’un amour-propre d’auteur… satisfait… J’ai reconnu mon sang à cette intuition que tu as eue en touchant le midi de la Russie, que c’était le théâtre prédestiné de son immense avenir, que cet avenir, que tous nos efforts ne parviendront pas à faire avorter, n’est possible que là… et que, sous peine des plus rudes châtiments, il faudra bien se décider à s’arracher au plus tôt aux ignominies du moment présent pour aller à la rencontre de nos futures destinées… Et sur ce, bonne nuit.
ПереводС.-Петербург. Вторник. 10 октября 1861