Le livre est donc d’abord une entreprise de désinformation où tout est à lire à l’envers. Un exemple parmi d’autres : le choix du titre du deuxième livre d’Ajar. Gary l’avait intitulé La Tendresse des pierres, l’histoire de Momo étant de celles qui attendriraient même des cœurs de pierre. La couverture d’André François représentant une femme à l’enfant, avec des nombrils bien visibles et des têtes remplacées par des pierres, était déjà prête et a été conservée pour l’édition originale. Quand soudain, dans la réalité, Annie, la femme de Paul, se rappela que Jess, l’héroïne d’Adieu Gary Cooper, dit à un moment qu’elle écrit un livre intitulé : « La Tendresse des pierres ». Panique de Gary qui avait complètement oublié ce détail. Lui qui craignait en permanence de se faire prendre en flagrant délit de lui-même vit là une preuve évidente de sa paternité sur l’ouvrage. Il fallait donc faire marche arrière. Paul fut chargé de faire savoir qu’il trouvait finalement ce titre – que tout le monde trouvait bon – exécrable, en brodant sur le thème : « c’est complètement putain », que Paul sut très bien développer dans le genre « ça racole, c’est merdique », tout mais pas ça, je paierai, je n’y survivrai pas. Il devenait bon comédien. Quand le télégramme de Gary signé « Émile » arriva avec ses propositions : Les premiers pas ; Tendres bagages ; Rien ; Quelqu’un à aimer ; Madame Rosa ; Momo…, il était trop tard et Michel Cournot avait déjà choisi La Vie devant soi. Le hasard fait parfois bien les choses. Si l’on prend maintenant la version donnée dans Pseudo, on y retrouvera cette histoire de titre dans tous ses détails, mais réécrite et réinterprétée. Pavlowitch étant l’auteur du livre, c’est donc lui qui a choisi ce titre La Tendresse des pierres, qu’il a emprunté, mais sans le faire exprès, à un livre de son oncle, souvenir inconscient. Mais en réfléchissant, il se souvient que c’est tonton Macoute qui lui a suggéré ce titre, qu’il a eu une attitude bizarre pendant tout l’épisode et en fait l’a manipulé pour qu’il le choisisse précisément, pense-t-il, parce qu’il figure dans une œuvre de Gary. Ainsi tout le monde se dira que Gary est l’auteur véritable de l’œuvre de Pavlowitch. Conclusion : tonton Macoute est un jaloux pervers. Ce simple exemple suffit à rendre compte des contorsions de l’auteur-python (l’image rampe dans tout le texte) qui prend un malin plaisir à « se bouffonner », à « se péjorer », à se caricaturer pour mieux couvrir sa tentative de fuite.