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Mais ce fut avec la parution de Pseudo que ma témérité fut vraiment récompensée. Alors que je m’y étais fourré tel qu’on m’a inventé et que tous les critiques m’avaient donc reconnu dans le personnage de « Tonton Macoute », il n’est venu à l’idée d’aucun qu’au lieu de Paul Pavlowitch inventant Romain Gary, c’était Romain Gary qui inventait Paul Pavlowitch. Celui de L’Express, après avoir déclaré, fort d’une indiscrétion d’une personne pourtant tenue par le secret professionnel que, pour ses œuvres précédentes, Ajar avait eu des « collaborateurs », dont sans doute moi, ajoutait que Pseudo avait manifestement été écrit par Ajar lui-même, et tout seul. Un livre « vomi » hâtivement, déclarait-il, et il expliquait que ce jeune écrivain, devenu célèbre et la tête gonflée, avait répudié ses « collaborateurs », refusé d’écouter leurs conseils, et y était allé de sa propre main, tout seul et n’importe comment. D’où, disait notre critique, l’absence de « roueries », de « métier », que l’on trouvait, d’après lui, dans les deux précédents ouvrages, et le caractère « vomi », bâclé, du livre. Bonne mère ! S’il est un livre de vieux professionnel, c’est bien Pseudo : la rouerie consistait à ne pas la laisser sentir. Car il se trouve que ce roman de l’angoisse, de la panique d’un être jeune face à la vie devant lui, je l’écrivais depuis l’âge de vingt ans, l’abandonnant et le recommençant sans cesse, traînant des pages avec moi à travers guerres, vents, marées et continents, de la toute jeunesse à l’âge mûr, tant et si bien que mes amis d’adolescence, François Bondy et René Agid, reconnurent dans Pseudo, à quarante ans de distance, deux passages que j’avais gardés de mon Vin des morts, celui des flics-insectes froufroutant dans le bordel, et celui du Christ, de l’enfant et de l’allumette, que je leur avais lus dans ma chambre d’étudiant, rue Rollin, en 1936.

J’ajoute pour les amateurs de perversité que ce M. Galley, pour mieux descendre Ajar, car celui-ci avait alors priorité, rappelait que c’était moi, son tonton, qui avais écrit ce « beau livre », La Promesse de l’aube. Ce « beau livre », il l’avait éreinté à la parution…

Tout, à peu de chose près, dans Pseudo, est roman. Le personnage de Paul Pavlowitch, ses névroses, psychoses, « états psychiatriques » et avatars hospitaliers, sont entièrement inventés – et sans son accord. J’écrivis le livre en quinze jours dans ma cachette genevoise et lui téléphonai.

— J’ai inventé de toutes pièces un Paul Pavlowitch dans le roman. Un délirant. J’ai voulu exprimer l’angoisse et je t’ai chargé de cette angoisse. Je règle aussi des comptes avec moi-même – plus exactement, avec la légende qu’on m’a collée sur le dos. Je me suis inventé entièrement, moi aussi. Deux personnages de roman. Tu es d’accord ? Pas de censure ?

— Pas de censure.

J’admire la force d’âme – le mot anglais fortitude conviendrait mieux – avec laquelle mon cousin à la mode de Bretagne accepta de passer pour « dingue ».

Les seuls détails vrais sont ceux que j’ai puisés dans notre ascendance commune : mon oncle maternel, notamment, le grand-père de Paul, Ilya Ossipovitch Owczynski. Cette partie du texte avait été écrite en 1959 et devait figurer dans La Promesse de l’aube. J’en avais alors touché quelques mots à la mère de Paul, ma cousine, mais elle fut offusquée lorsque je lui avouai que je parlais de son père sur un mode humoristique. Et je reconnaissais moi-même que la publication de certains faits était impossible alors. Je mis donc ces quelques pages de côté et les incorporai dans « l’arbre généalogique » de Pseudo. Je recueillis mes renseignements de psychothérapie chimique auprès du docteur Louis Bertagna, comme je l’avais fait pour l’aphasie, dans Clair de femme, en m’adressant au docteur Ducarne, de la Salpêtrière.

Ce fut seulement après avoir terminé Gros-Câlin que je pris la décision de publier le livre sous un pseudonyme, à l’insu de l’éditeur. Je sentais qu’il y avait incompatibilité entre la notoriété, les poids et mesures selon lesquels on jugeait mon œuvre, « la gueule qu’on m’avait faite », et la nature même du livre.

J’avais déjà, pour tenter de m’évader, tâté à deux reprises du pseudonyme. Fosco Sinibaldi, pour L’Homme à la colombe-cinq cents exemplaires vendus – et Shatan Bogat, pour Les Têtes de Stéphanie, qui ne démarra que lorsque je me laissai identifier comme auteur.

Je savais donc que Gros-Câlin, premier livre d’un inconnu, allait se vendre mal, mais je tenais à l’anonymat par-dessus tout. L’éditeur ne pouvait donc pas être mis au courant. Le manuscrit arrivait du Brésil, par les soins de mon ami Pierre Michaut. L’auteur était un jeune errant qu’il avait rencontré à Rio ; ayant eu maille à partir avec la justice, il ne pouvait remettre les pieds en France.

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