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Pauvre petite fille abandonnée dans le labyrinthe souterrain de Chaudeterre. Pauvre petite fille mal aimée, reniée par sa mère. Pauvre petite fille handicapée à vie par sa propre stupidité. Pauvre petite fille seule dans le noir, écrasée de frayeur. Pauvre petite fille assoiffée de reconnaissance et incapable de démontrer son importance aux yeux de tous. Pauvre petite fille si douée pour le malheur et bientôt morte de soif. Pauvre petite fille, pauvre petite fille, pauvre petite fille… Elle se contempla ainsi, sans dureté excessive mais sans complaisance, avec l’infime recul nécessaire pour percevoir tout l’artifice, toute l’absurdité de sa situation. Elle qui avait si souvent appelé la mort de ses vœux, elle risquait seulement de mourir. Elle n’aurait pas montré de quoi elle était capable, la belle affaire ! on n’emportait pas dans l’autre monde l’admiration ou la reconnaissance des autres. Elle n’avait rien à prouver, ni à sa mère ni aux responsables du conventuel, ni même à Qval Djema la fondatrice, elle se devait seulement d’être elle, dans le présent, avec ses forces et ses faiblesses, ni pauvre petite fille ni héroïne de mondes inexistants.

Un cri strident la tira de sa contemplation. Elle se rendit compte qu’elle pleurait. Elle la fumée, la sèche, versait décidément beaucoup de larmes depuis qu’elle avait trempé les pieds dans le bassin bouillant. Des bruits de pas précipités enflèrent et se répercutèrent dans le silence des profondeurs. Cette fois, elle en était sûre, des sœurs couraient dans une galerie toute proche de celle-ci. Elle se releva, rabattit sa robe sur ses jambes, fit quelques mouvements d’assouplissement pour rétablir la circulation sanguine, grimaça lorsque le sang, affluant à ses pieds, réveilla ses douleurs assoupies et se mit en chemin en direction du tumulte. Elle perdit du temps à franchir les passages étranglés entre les bases imposantes des stalagmites et les parois. Des hurlements suraigus et continus supplantèrent les bruits de cavalcade et lui vrillèrent les nerfs. Elle déboucha dans une autre galerie, vaste, dégagée, et aperçut dans le lointain la lueur faible et fixe d’une solarine. Reprise par ses peurs, elle hésita un moment à s’en approcher.

Les hurlements s’interrompirent et le silence retomba sur les lieux, funèbre, écrasant. Le cœur battant, Alma attendit encore quelques instants avant de s’engager dans la galerie et de marcher vers la lumière aussi vite que le lui permettait son pied gauche. Elle ressentait de nouveau la présence d’une force latente, d’une énergie qui emplissait les ténèbres et dont elle ne parvenait pas à déterminer la nature. La lumière de la solarine soulignait les irrégularités des parois et de la voûte de la galerie.

Elle éclairait également une forme oblongue posée en travers du sol et qui était, Alma s’en rendit compte après avoir franchi une distance d’une cinquantaine de pas, un corps étendu. Le corps d’une djemale plus précisément, vêtue d’une robe déchirée imbibée de sang. Alma eut un haut-le-cœur quand elle découvrit la tête de sa sœur, réduite à une bouillie de chair, d’os et de cheveux. Impossible de discerner les traits dans son visage ravagé, mais son corps à peu près intact la désignait comme une femme d’une quarantaine d’années, une femme par conséquent à peine entrée dans l’âge adulte. Sa robe retroussée, dénudant jambes et bassin, semblait indiquer qu’elle avait été violée avant d’être frappée avec un acharnement démentiel. L’odeur de sang masquait les effluves de soufre et une autre senteur à peine perceptible, un mélange de résineux et d’herbes sauvages.

Alma se recula de deux pas et se pencha sur le côté pour vomir. Comme elle avait le ventre vide, elle régurgita de la bile dont l’amertume provoqua une nouvelle et violente série de spasmes. Haletante, tremblante, gémissante, elle s’essuya les lèvres d’un revers de manche, se releva et avisa, quelques pas plus loin, la petite solarine dont les ténèbres assiégeaient le halo faiblissant. Elle la ramassa avant de s’appuyer contre la paroi pour récupérer un peu de ses forces. La pierre était encore emplie de la tiédeur de sa sœur morte. Elle n’avait plus aucun doute désormais, la force à l’œuvre dans ces souterrains était une entité maléfique, destructrice. Elle ferma les yeux, renversa la tête en arrière, essaya de juguler le flot tourmenté de ses pensées, de retrouver le calme réparateur qu’elle avait expérimenté quelques instants plus tôt, mais quelque chose l’en empêcha, la sensation nette, presque blessante, d’être cernée, observée.

Elle rouvrit précipitamment les yeux. Découvrit quatre silhouettes autour d’elle. Quatre ombres silencieuses qui avaient jailli de l’obscurité pour s’avancer dans le halo lumineux de la solarine. Quatre hommes aux visages dissimulés par des masques d’écorce et drapés dans d’amples et grossières robes de craine. Quatre protecteurs des sentiers qui brandissaient des haches et des masses de pierre.

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