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Combien de temps ai-je passé à lire le journal du moncle Artien ? Des semaines, des mois ? Je n’ai parlé à personne de ma découverte, pas même à mon cher Elleo. Sans doute y a-t-il une part de lâcheté dans mon mutisme. Peut-être craignais-je que l’exhumation de ce document, qui nous raccroche à un passé à la fois si lointain et si proche, ne fasse que précipiter une transformation que je pressens douloureuse ? Notre monde, notre toujours « nouveau monde », repose sur un foisonnement de légendes d’où nous avons dégagé les sept sentiers de l’évolution. Or la révélation de la vérité historique – d’une simple facette de cette vérité, car le témoin privilégié de l’odyssée de l’Estérion n’avait des événements qu’une vision subjective, parcellaire – risquait à mon sens de saper nos fondations encore fragiles et de déchaîner la violence que je vois frémir dans le cœur de chacun.

J’ai parfois ri aux éclats lorsque j’ai comparé les descriptions du moncle Artien à notre propre vision de l’odyssée des maudits d’Ester. Le grand Ab n’est donc pas ce demi-dieu terrible qui vainquit les légions infernales et dompta le Qval ; Lœllo, le fumé de Xart (X-art, selon Artien), n’est donc pas cet ange visionnaire qui se jeta dans la fosse aux serpensecs pour sauver la population du vaisseau ; les lakchas ne sont donc pas ces enfants génies qui, touchés par la grâce, firent jaillir la manne du néant… Le gouffre se creuse sans cesse entre la réalité et la fiction. Seule Ellula, la jeune vierge qui défia l’ordre millénaire des Kroptes et apprivoisa le monstre Abzalon, semble à peu près conforme à sa légende. Elle n’a usurpé ni sa beauté ni sa bonté, et le sentier qu’elle a défriché, le deuxième, le sentier de l’amour vrai, me paraît magnifiquement assorti à son nom.

Je me suis longtemps demandé ce qu’il convenait de faire de ce journal. Devais-je aller de mathelle en mathelle afin de délivrer mes « frères » et « sœurs » de la chaîne d’erreurs qu’ils maillent depuis maintenant cinq siècles ? (Je ne sais pas, et je ne saurai sans doute jamais, si cinq siècles d’ici équivalent à cinq siècles d’Ester.) Devais-je brandir les écrits du moncle Artien comme un flambeau afin d’écarter les ténèbres dans lesquelles s’égarent les descendants de l’Estérion ? J’ai finalement décidé d’attendre le moment propice : la lumière risquait de blesser cruellement ceux qui sont restés dans la nuit trop longtemps.

Est-ce là la vraie raison, Lahiva filia Sgen ? Ne te faudrait-il pas ici confesser qu’être la seule détentrice du secret de nos origines te donne un sentiment de supériorité, un vertige, une ivresse que tu refuses de dissiper par le partage ? Ton lecteur (ta lectrice) aura tôt fait de s’apercevoir que tu n’es guère partageuse…

Le témoignage du moncle Artien m’a en tout cas poussée à rédiger mon propre journal, à relater notre histoire à ma façon. Autant j’ai maudit les djemales de nous avoir, mes condisciples et moi, enfermés durant des heures pour nous enseigner les rigueurs de la lecture et de l’écriture, autant je bénis aujourd’hui leur intransigeance : grâce à ces femmes engagées sur le sentier de Qval Djema, le quatrième, la voie de la connaissance ou le chemin de l’eau bouillante, je suis en mesure de poursuivre, avec mes modestes moyens, l’œuvre de ce religieux légendaire qui a lui-même donné son nom à un sentier, le sixième, le chemin de l’humanité reconquise.

Ayant choisi cet « enfant de l’éprouvette » pour maître, je m’efforcerai d’être sa digne disciple, d’avoir comme lui « des événements une vision pénétrante, filtrée par ces tamis très fins que sont la mémoire cellulaire et le subconscient… » Je n’accéderai sans doute jamais à la qualité de son style, à la caresse ensorcelante de sa « danse de la plume sur le papier », je marcherai seulement sur ses traces en espérant recueillir un peu de sa grâce, un peu de sa manne, comme ces yonkins tout juste sevrés qui se tiennent entre les pattes de leur mère, dans l’attente des offrandes d’une herbe qu’elles recrachent à leur intention après l’avoir prémâchée.

Le moncle Artien ne se doutait sûrement pas que son « lecteur imaginaire » se matérialiserait un jour dans le corps d’une jeune fille de vingt-neuf ans. Je ne suis pas encore femme : sur le nouveau monde, la vie se déroule plus lentement que sur l’ancien. Je ne suis pas une spécialiste, mais, après avoir interrogé des djemales séculières, j’en suis arrivée à la conclusion que cette lenteur a une relation de cause à effet avec la révolution de notre planète autour de notre étoile, Jael. Ou bien sont-ce les gouttes génétiques de l’eau d’immortalité de l’Eglise monclale partagée par nos ancêtres ? Ici, l’espérance moyenne de vie approche les deux siècles, et nous n’entrons dans l’âge adulte qu’à partir de quarante ans. Quand je pense que sur Ester les Kroptes bannissaient de leurs maisons leurs filles qui n’avaient pas trouvé de mari avant leurs dix-huit ans ! Les patriarches des temps reculés doivent se retourner dans l’anonymat de leurs fosses communes (la description d’Artien des charniers kroptes m’a, je l’avoue, davantage fascinée qu’horrifiée). Je tiens enfin la racine de ce mot étrange, « ventresec », désignant les hommes et les femmes qui ont choisi de s’engager sur le septième sentier, celui de l’errance et du partage.

Je n’écris pas sur du papier, ce même papier odorant, bruissant et agréable au toucher qui a veillé avec fidélité sur la mémoire du moncle Artien, mais sur des rouleaux de peau de yonk aussi souples et soyeux que les étoffes de laine végétale. Nous n’utilisons pas seulement les peaux de yonk pour la confection des vêtements et des chaussures, elles servent également de support aux dessins et peintures qui ornent les habitations et qui racontent, avec une naïveté touchante – et invraisemblable mais, après tout, et c’est un leitmotiv chez le moncle Artien, le centre de la vérité est insaisissable –, les péripéties du voyage de l’Estérion. Pour encre, nous utilisons les pigments sombres d’une plante appelée nagrale dilués dans une huile végétale ; pour plumes, des pennes de nanzier, un oiseau gigantesque qui vit sur les plaines d’herbe jaune du Triangle et change de livrée deux fois l’an. J’ai choisi et taillé la mienne avec le plus grand soin avant d’entamer ce journal. Il conviendrait d’admettre que c’est elle qui m’a choisie : elle m’attendait tout près de l’amas de terre, de pierres et de ronces qui recouvre le vaisseau des origines, comme posée là à mon intention par un lakcha du sentier de l’abondance, le cinquième. De la longueur d’un bras, parsemée d’ocelles noir et blanc, elle possède un tuyau épais, rassurant, d’une teinte indéfinissable, entre ocre et rose, et des barbes d’un bleu éclatant, céleste, qui tire sur le vert à son extrémité. Elle fait désormais partie de moi-même au même titre que mes membres, ma langue, mes yeux, mes seins, mon sexe, ma chevelure – oserai-je préciser, au risque d’écorner ma toute nouvelle modestie de disciple, que les regards des garçons, de ces crétins de garçons, renvoient des reflets plutôt flatteurs de ma… peu modeste personne ?

Munie de mon nécessaire, je me suis installée dans mon refuge, imitant encore le moncle Artien lorsqu’il se retirait dans sa cabine pour écrire. Je suppose que nous autres, gens de plume, éprouvons le besoin de nous entourer de solitude et de calme afin de mieux « établir cette relation de soi à soi, sans interférences parasites ». Je n’ai jamais perdu de sang – hormis le sang douloureux de mes règles –, je n’ai jamais versé de larmes – je ne considère pas les caprices d’enfant comme de véritables larmes –, je ne présente pas d’autre plaie que les égratignures des ronces, mais, comme mon maître, j’ai l’impression que l’encre est le seul liquide qui puisse encore s’écouler de mes veines.

Nous sommes en plein cœur de la saison sèche, et Jael, notre étoile, notre lakcha de lumière, dépose une chaleur écrasante sur la plaine. La terre et les herbes craquent autour de moi, les grattements et les cris familiers des bêtes sauvages se sont tus, la brise a cessé de souffler, vaincue par la canicule. J’ai trempé ma robe dans l’eau d’une source qui trouve encore la force de fredonner, puis je l’ai enfilée avec un frisson de plaisir, je me suis assise sur un rocher en forme de siège et j’ai déroulé la peau de yonk avec solennité (avec puérilité ?) avant de la fixer sur son cadre de bois.

Puisqu’il faut un début à tout, il me paraît approprié de commencer par la découverte du journal du moncle Artien. Du squelette du moncle Artien lui-même, par conséquent. Il avait pourtant demandé au grand Ab de l’enfermer dans une combinaison spatiale et de l’expulser dans l’espace après sa mort, mais le hasard – l’ordre cosmique d’Ellula ? – a voulu que son cadavre reste coincé dans le réseau des tubes d’évacuation et atterrisse avec le vaisseau sur le nouveau monde. Personne n’en aurait jamais rien su si, saisie par les « mille démons de l’egon », je n’avais pas entrepris de fouiller de fond en comble l’épave de l’Estérion qu’un interdit tacite mais dissuasif a préservé de la curiosité des autres pendant plus de six siècles.

J’y étais poussée, je crois, par cette insatisfaction qui m’entraîne sans cesse à me glisser dans les mécanismes cachés et qui caractérise également Elleo, mon frère, mon double masculin, mon unique amour. L’interdit m’attire comme les explosions de pollen les insectes, comme l’eau bouillante les Qvals des légendes. Mes camarades des deux sexes se fichent éperdument de ce ventre rouillé qui abrita leurs ascendants pendant plus d’un siècle estérien. Ils ne cherchent pas à relier les fils, à reconstituer la trame, trop affairés à jouir des bienfaits prodigués par le nouveau monde, trop pressés de s’engager sur les sentiers de l’illusion. Peut-être auraient-ils changé d’avis s’ils n’avaient ressenti ne serait-ce qu’un dixième de l’émotion indescriptible qui m’a transie à l’intérieur de cet enchevêtrement de métal, de terre, de racines et de ronces. Je me demande encore comment j’ai réussi à me frayer un passage au milieu de ce dédale minéral et végétal, moi si frêle d’apparence et armée de mon seul couteau de corne. Ai-je été soulevée, comme je suis encline à le croire, par le souffle du moncle Artien ? Ou, mieux encore, par l’esprit du grand Ab et de son épouse Ellula, les deux colonnes de notre temple, les défricheurs des sentiers de la rédemption et de l’amour ? (J’ai, quand cela m’arrange, tendance à m’agripper à la légende. Moi l’accapareuse, moi la marginale, moi l’incestueuse, je ne suis pas aussi différente des autres que je me complais à le croire.) Sans leur soutien, sans leur lumière, je n’aurais sans doute jamais trouvé la sortie du labyrinthe, j’aurais succombé de faim et de soif dans ces galeries étouffantes creusées par les furves, une population d’animaux – de créatures vivantes serait un terme plus approprié – dont nous ignorons à peu près tout.

Le silence qui régnait dans la pénombre de la carcasse du vaisseau m’a pétrifiée, m’a coupé le souffle. J’ai eu l’impression de voir s’agiter des ombres du passé dans les salles que j’explorais, dans les coursives que je parcourais. Même absorbé par la terre, le métal renferme à jamais les larmes, les cris et les rires des quatre ou cinq générations d’Estériens qui se sont affrontés, haïs, aimés dans ses flancs. La gorge nouée, les jambes flageolantes, j’ai erré dans l’Estérion comme dans les vestiges d’une mémoire agonisante. Quelques ossements entreposés dans une cabine exiguë, sans doute des passagers vaincus par la maladie juste avant l’atterrissage, m’ont valu la plus grande frayeur de ma courte vie ! Sur le nouveau monde, le temps nous dévore avec la lenteur exquise des gourmets, et j’ai détesté me contempler dans le miroir avide que me tendaient ces squelettes.

Je suis tombée sur les ossements du moncle Artien en m’aventurant dans les intestins du vaisseau, au milieu de matières décomposées et puantes formées sans doute de déjections et de résidus. Il a échappé à la dissolution totale grâce à l’étrange matériau de sa combinaison spatiale. Je t’épargnerai, cher lecteur (lectrice), les détails sordides de l’extraction de ses restes. Il te suffira de savoir que j’ai vomi tripes et boyaux et que, même après m’être plongée dans une source claire jusqu’au crépuscule, l’odeur m’a harcelée toute la nuit ainsi que le jour suivant. C’était le prix à payer pour mettre la main sur le trésor, sur ce précieux texte que m’a confié le destin. Même si certaines pages sont difficiles à déchiffrer et d’autres franchement illisibles, la fresque s’est révélée dans toute son ampleur et, depuis, elle a bercé chacun de mes rêves, chacun de mes actes. Grâce à mon maître, j’ai côtoyé le grand Ab et la douce Ellula, Lœllo le futé et Clairia la chanteuse, les ventresecs aux yeux morts, les petits lakchas, Djema et Maran, Laed et Chara, tous les autres. J’ai partagé leurs souffrances, leurs peurs, leurs espoirs, j’ai renoué le lien que six misérables siècles avaient suffi à trancher, je les ai trouvés bien plus grands que tout ce qu’en disent les légendes, j’ai rencontré de véritables… êtres humains.

La hâte avec laquelle nous en avons fait des divinités, ou des principes, me conduit à penser que notre parenthèse d’insouciance se refermera dans un avenir très proche. Notre rage de liberté, notre phobie des contraintes n’auront duré que le temps de notre traumatisme. De notre patrimoine estérionique nous avons conservé la hantise de l’enfermement ; de notre patrimoine dek le rejet de la discipline et des lois ; de notre patrimoine kropte le refus du patriarcat et des dogmes. Les femmes sont les axes fertiles et autonomes autour desquels s’articule notre organisation sociale. Elles enfantent avec une belle constance six ou sept enfants en moyenne dont elles ne connaissent pas toujours les pères. Certains hommes s’attachent à une seule femme et acceptent de la partager avec les « volages » ou d’autres « constants », les autres continuent de papillonner jusqu’à la vieillesse et de répandre leur semence au gré des ventres, comme les bulles de fécondation qui, trois ou quatre fois l’an, montent de l’herbe jaune des plaines et se désagrègent pour confier leur pollen aux vents. Les femmes sont des terres labourées par plusieurs socs, des ventres communs, des « mathelles », du nom de ces femmes âgées ou stériles qui se proposèrent de soulager la misère morale et sexuelle des deks célibataires de l’Estérion.

J’explique ce… foutoir génétique par une volonté inconsciente d’exogamie, de croisement des gènes, de renforcement de l’espèce : les pionniers du nouveau monde n’auraient probablement pas survécu à la monogamie ou à une polygamie de type kropte. Et d’ailleurs, hormis quelques individus faibles ou mentalement déficients, nous avons plutôt à nous féliciter de ce grand désordre : notre population compte actuellement une soixantaine de milliers de membres, presque tous en bonne santé, une croissance qui enflera de manière vertigineuse et nous conduira rapidement à déborder de nos frontières, à conquérir de nouveaux territoires.

Les mathelles ont donné leur nom aux clans maternels, ces immenses domaines qui sont les piliers de notre développement. Disséminés sur les plaines du continent du Triangle, les domaines – ou mathelles, donc – se terrent au milieu de ceintures de ressources qui, en principe, leur assurent une certaine autonomie. Chacun dispose d’une ou plusieurs sources d’eau potable, de champs de « manne », une céréale aux épis géants, aux grains ronds et blancs qui, récoltée deux fois par an, constitue la base de notre alimentation, d’une plantation de laine végétale, d’un verger et d’un jardin. En revanche, la viande de yonk, ces mammifères herbivores qui sont apparus deux siècles après l’atterrissage de l’Estérion et errent en gigantesques troupeaux au nord du Triangle, est fournie à l’ensemble des domaines par le corps des chasseurs, surnommés les lakchas en référence aux enfants qui permirent aux deks de ne pas mourir de faim pendant leur interminable traversée.

Jusqu’à présent, nous n’avions jamais ressenti la nécessité de recourir à une quelconque forme d’autorité, de déléguer notre pouvoir à une poignée de représentants comme cela se pratiquait dans l’ancien monde, mais ces temps bénis de liberté individuelle, de chaos fécond, de bonheur vagabond semblent toucher à leur fin. Oh, ne va pas croire, cher lecteur (lectrice), que des groupes d’hommes se sont un beau jour dressés, le poing ou l’arme levés, pour nous dicter leur volonté ! Non, non, le changement est insidieux, d’autant plus redoutable qu’il se produit à l’insu des uns et des autres, comme une eau amère qui rejaillirait de nappes très anciennes et contaminerait peu à peu nos sources pures. Des murmures s’élèvent pour réclamer un contrôle dans la répartition des ressources et dans le choix des sentiers. Les chasseurs, qui fournissent non seulement la viande mais également les matières premières aussi importantes que la peau, les boyaux et la corne de yonk, s’estiment lésés par les échanges. Certains constants ont de plus en plus de mal à accepter la présence de volages dans les chambres des reines des domaines. Des disputes ont éclaté qui, sans l’intervention énergique des femmes, auraient dégénéré en batailles rangées. Nous n’avons pas encore recensé un seul meurtre depuis notre arrivée sur le nouveau monde, ni même un seul acte de violence ou un simple larcin, mais mon intuition me dit que cela ne durera pas. Je n’aime pas, par exemple, la façon dont les passants nous dévisagent, Elleo et moi, lorsque nous nous promenons la main dans la main sur les pistes de terre qui relient les mathelles entre eux. Un ordre point, qu’on pourrait appeler social ou moral et qui, tôt ou tard, aura besoin de boucs émissaires pour se cristalliser. C’est peut-être la raison pour laquelle je n’ai jamais révélé aux autres l’existence du journal du moncle Artien : sans doute auraient-ils exploité le flottement engendré par la proclamation de la vérité pour sortir du bois et vomir leurs larves de haine sur mon frère et moi. Or, je l’avoue, je n’ai que peu de disposition pour être la première victime expiatoire du nouveau monde.

Et si les Qvals, qui ont bel et bien existé quoi qu’en disent certains (mon maître confirme leur présence dans l’Estérion), détenaient les réponses à nos interrogations, les solutions aux problèmes posés par notre croissance ? Et si nous abandonnions aux umbres (« umbres » sans doute parce qu’ils sont plus silencieux que des ombres), ces mystérieuses créatures volantes dont les incursions se font de plus en plus fréquentes et meurtrières, la tâche de la régulation de ce monde ?

Extrait du journal de Lahiva filia Sgen.
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