— Je n’entends plus parler que de cet om! dit-elle. Depuis qu’il est ici, tout marche de travers. Je parie que tu ne t’es pas instruite aujourd’hui?
Tiwa lança à la dérobée un regard malheureux sur les écouteurs d’instruction qui pendaient au mur.
— Non, mère, dit-elle d’une toute petite voix en clignant ses yeux rouges.
La draag s’approcha d’elle et lui enveloppa les épaules de sa membrane. Elle dit d’un ton plus doux:
— C’est bon, Tiwa, je te dispense encore d’instruction pour ce matin.
Elle se tourna vers Praw.
— Emmène-la acheter ce collier, Praw, si ça lui fait tant plaisir.
— C’était bien mon intention, dit le père, mais il faut qu’elle me promette de se mettre à l’étude dès notre retour.
Tiwa promit tout ce qu’on voulut et entraîna son père vers la porte de sortie.
Ils franchirent le terre-plein en diagonale et, pour aller plus vite, déplièrent leurs membranes pour se laisser planer jusqu’au sol.
Du haut de sa terrasse, le voisin Faoz les vit partir.
— Comment va le petit om? lança-t-il.
— Très bien, répondit Tiwa, nous allons lui acheter un collier.
Le père et la fille montèrent dans la sphère et fermèrent le couvercle. Bientôt, la sphère quitta le sol et fila vers la ville, dont on voyait les blocs à l’horizon.
— Où allons-nous trouver ce collier, père? demanda Tiwa.
— Au bloc 12 A, il y a une grande omerie d’exposition. On y trouve tout ce qu’il faut pour les oms. C’est de là que j’ai fait venir le matériel pour notre omerie personnelle.
Ils furent en quelques minutes aux portes de la ville et quittèrent la sphère pour emprunter le chemin mobile menant aux blocs A.
Par des tunnels ou des ponts, ils traversèrent successivement les blocs des autres quartiers et parvinrent au centre de la ville, où la foule était beaucoup plus nombreuse et où les sphères des surveillants et des techniciens semblaient de grosses bulles de savon suspendues en l’air.
Ils quittèrent le chemin 3 et se laissèrent porter par le chemin A jusqu’au bloc 12. Arrivés dans le hall du bloc 12, ils montèrent dix étages et Tiwa fut émerveillée.
Un grand couloir était bordé d’un côté par des vitrines où l’on pouvait voir des oms de toutes races. Certains étaient blonds comme Terr. D’autres avaient la peau noire et les cheveux bouclés. Certains mâles avaient une crinière qui prenait naissance entre l’œil et l’oreille et, cernant la bouche, se terminait au menton.
Plus loin, s’alignaient des cages de verre où l’on voyait des chiens, des lions de Mars, des oiseaux d’Ygam et toutes sortes d’autres animaux de l’univers. Mais Tiwa n’avait d’yeux que pour les oms, cette race de petits singes venus de la Terre.
L’intérêt exclusif de Tiwa pour ces animaux n’avait rien de particulièrement original pour une draag. L’om était de loin le compagnon le plus prisé, sur Ygam. Un proverbe ne disait-il pas: «L’om est le meilleur ami du draag»? D’ailleurs, c’est devant les cages d’oms que la foule était le plus nombreuse.
Praw laissa sa fille se distraire quelque temps à regarder les vitrines, puis il l’entraîna en disant:
— Le temps passe, petite. N’oublie pas que tu dois t’instruire en rentrant à la maison. Viens choisir un collier pour ton petit om.
Ils entrèrent dans une salle où l’on vendait toutes sortes de choses pour les animaux. Un vendeur se présenta aussitôt pour leur présenter différents modèles de colliers. Tiwa en choisit un grand de couleur bleue.
Elle s’inquiéta cependant de sa taille en disant:
— Jamais cela n’ira à mon petit om.
Mais le vendeur la rassura en lui indiquant un bouton qu’il fallait presser plus ou moins pour rapetisser ou agrandir le collier. Il lui proposa aussi une laisse magnétique, simple bracelet qu’il suffisait de se passer au poignet pour empêcher l’om de s’éloigner à plus de six millistades, bracelet et collier étant réglés l’un sur l’autre.
Praw fit faire un paquet et ressortit du bloc en compagnie de Tiwa toute contente.
Au bout d’une demi-heure, ils furent de retour à la maison. Tiwa s’empressa d’aller à l’omerie, passa le collier au cou de Terr et le bracelet à son propre poignet. Puis, tenant ses promesses, elle alla s’asseoir sur le gazon de la salle de nature et mit à ses tympans ses écouteurs d’instruction tandis que le petit om, bercé par ses caresses, s’endormait sur ses genoux.
«… cycle élémentaire, murmuraient doucement les écouteurs, dixième leçon. Cette leçon sera consacrée à l’Ygamographie. Fermez les yeux, s’il vous plaît.»
Tiwa ferma les yeux et une image mentale précise se forma sous son crâne. Une sphère tournait lentement, une sphère divisée en taches irrégulières, rouges et vertes.
«Notre dernière leçon traitait de la genèse des mers et des continents d’Ygam. Voici maintenant la répartition de ceux-ci tels que les draags les ont volontairement redisposés à la surface d’Ygam. Les continents d’Ygam sont au nombre de six: quatre artificiels et deux naturels. Ces derniers n’ont pas été retouchés par les draags. Ils ont gardé la forme que le hasard leur avait donnée et servent de réserve aux espèces inférieures.