Читаем L’écume des jours полностью

– Oui, dit Chloé. Maintenant, la lumière est moins mauvaise. Brusquement, la route tourna de nouveau et ils se trouvèrent au milieu des mines de cuivre. Elles s’étageaient des deux côtés, de quelques mètres en contrebas. D’immenses étendues de cuivre verdâtre, à l’infini, déroulaient leur aridité. Des centaines d’hommes, vêtus de combinaisons hermétiques, s’agitaient autour des feux. D’autres empilaient, en pyramides régulières, le combustible que l’on amenait sans cesse dans des wagonnets électriques. Le cuivre, sous l’effet de la chaleur, fondait et coulait en ruisseaux rouges frangés de scories spongieuses et dures comme de la pierre. De place en place, on le rassemblait dans de grands réservoirs où des machines le pompaient et le transvasaient dans des tuyaux ovales.

– Quel travail terrible!… dit Chloé.

– C’est assez bien payé, dit Nicolas. Quelques hommes s’étaient arrêtés pour voir passer la voiture. On ne voyait, dans leurs yeux, qu’une pitié un peu narquoise. Ils étaient larges et forts, ils avaient l’air inaltérable.

– Ils ne nous aiment pas, dit Chloé. Allons-nous-en d’ici.

– Ils travaillent… dit Colin.

– Ce n’est pas une raison, dit Chloé. Nicolas accéléra un peu. La voiture filait sur la route craquelée, dans la rumeur des machines et du cuivre en fusion.

– On va bientôt rejoindre l’ancienne route, dit Nicolas.

<p>XXV</p>

– Pourquoi sont-ils si méprisants? demanda Chloé. Ce n’est p as tellement bien de travailler…

– On leur a dit que c’était bien, dit Colin. En général, on trouve ça bien. En fait, personne ne le pense. On le fait par habitude et pour ne pas y penser, justement.

– En tout cas, c’est idiot de faire un travail que des machines pourraient faire.

– Il faut construire des machines, dit Colin. Qui le fera?

– Oh! Évidemment, dit Chloé. Pour faire un œuf, il faut une poule, mais, une fois qu’on a la poule, on peut avoir des tas d’œufs. Il vaut donc mieux commencer par la poule.

– Il faudrait savoir, dit Colin, qui empêche de faire des machines. C’est le temps qui doit manquer. Les gens perdent leur temps à vivre, alors, il ne leur en reste plus pour travailler.

– Ce n’est pas plutôt le contraire? dit Chloé.

– Non, dit Colin. S’ils avaient le temps de construire les machines, après ils n’auraient plus besoin de rien faire. Ce que je veux dire, c’est qu’ils travaillent pour vivre au lieu de travailler à construire des machines qui les feraient vivre sans travailler.

– C’est compliqué, estima Chloé.

– Non, dit Colin. C’est très simple. Ça devrait, bien entendu, venir progressivement. M ais, on perd tellement de temps à faire des choses qui s’usent…

– M ais, tu crois qu’ils n’aimeraient pas mieux rester chez eux et embrasser leur femme et aller à la piscine et aux divertissements?

– Non, dit Colin. Parce qu’ils n’y pensent pas.

– M ais, est-ce que c’est leur faute si ils croient que c’est bien de travailler?

– Non, dit Colin, ce n’est pas leur faute. C’est parce qu’on leur a dit «Le travail, c’est sacré, c’est bien, c’est beau, c’est ce qui compte avant tout, et seuls les travailleurs ont droit à tout.» Seulement, on s’arrange pour les faire travailler tout le temps et alors ils ne peuvent pas en profiter.

– M ais, alors, ils sont bêtes? dit Chloé.

– Oui, ils sont bêtes, dit Colin. C’est pour ça qu’ils sont d’accord avec ceux qui leur font croire que le travail c’est ce qu’il y a de mieux. Ça leur évite de réfléchir et de chercher à progresser et à ne plus travailler.

– Parlons d’autre chose, dit Chloé. C’est épuisant, ces sujets-là. Dis-moi si tu aimes mes cheveux…

– Je t’ai déjà dit… Il la prit sur ses genoux. De nouveau il se sentait complètement heureux.

– Je t’ai déjà dit que je t’aimais bien en gros et en détail.

– Alors, détaille, dit Chloé, en se laissant aller dans les bras de Colin, câline comme une couleuvre.

<p>XXVI</p>

– Pardon, Monsieur, dit Nicolas. Monsieur désire-t-il que nous descendions ici?

L’auto s’était arrêtée devant un hôtel au bord de la route. C’était la bonne route, lisse, moirée de reflets photogéniques, avec des arbres parfaitement cylindriques des deux côtés, de l’herbe fraîche, du soleil, des vaches dans les champs, des barrières vermoulues, des haies en fleur, des pommes aux pommiers et des feuilles mortes en petits tas, avec de la neige de place en place pour varier le paysage, des palmiers, des mimosas et des pins du Nord dans le jardin de l’hôtel et un garçon roux et ébouriffé qui conduisait deux moutons et un chien ivre. D’un côté de la route il y avait du vent et de l’autre pas. On choisissait celui qui vous plaisait. Un arbre sur deux, seulement, donnait de l’ombre, et, dans un seul des fossés, on trouvait des grenouilles.

– Descendons ici, dit Colin. Aussi bien, nous n’arriverons pas au Sud aujourd’hui.

Nicolas ouvrit la portière et mit pied à terre. Il portait un beau costume de chauffeur en cuir de porc et une élégante casquette assortie. Il recula de deux pas et regarda la voiture. Colin et Chloé descendirent aussi.

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