Читаем L’écume des jours полностью

Il les rouvrit très vite, car il voyait, sous ses paupières, des tas de filles et ça lui ferait perdre son chemin. Il y en avait une devant lui. Elle allait dans la même direction. On voyait ses jambes blanches dans des bottillons de mouton blanc, son manteau de peau de pandour décatie et sa toque assortie. Des cheveux roux sous sa toque. Son manteau lui faisait des épaules larges et dansait autour d’elle.

– Je veux la dépasser. Je veux voir sa figure…

Il la dépassa et se mit à pleurer. Elle comptait au moins cinquante-neuf ans. Il s’assit au bord du trottoir et pleura encore. Ça le soulageait beaucoup et les larmes gelaient avec un petit crépitement et se cassaient sur le granit lisse du trottoir.

Il s’aperçut, au bout de cinq minutes, qu’il se trouvait devant la maison d’Isis Ponteauzanne. Deux jeunes filles passèrent près de lui et pénétraient dans le vestibule de l’immeuble.

Son cœur s’enfla démesurément, s’allégea, le souleva de terre, et il entra à leur suite.

<p>XI</p>

Dès le premier étage, on commençait à entendre le vague brouhaha de la réunion chez les parents d’Isis. L’escalier tournait trois fois sur lui-même et amplifiait les sons dans sa cage, comme les ailettes dans le résonateur cylindrique d’un vibraphone. Colin montait, le nez sur les talons des deux filles. De jolis talons renforcés, en nylon clair, des souliers hauts de cuir fin et des chevilles délicates. Puis, les coutures des bas, légèrement froncées, comme de longues chenilles et les creux articulés de l’attache des genoux. Colin s’arrêta et perdit deux marches. II repartit. Maintenant, il voyait le haut des bas de celle de gauche, la double épaisseur des mailles et la blancheur ombrée de la cuisse. La jupe de l’autre, à plis plats, ne permettait pas le même divertissement, mais, sous le manteau de castor, ses hanches tournaient plus rond que celles de la première, formant un petit pli cassé alternatif. Colin se mit à regarder ses pieds par décence et vit ceux-ci s’arrêter au second étage.

Il suivit les deux filles à qui une soubrette venait d’ouvrir.

– Bonjour, Colin, dit Isis. Vous allez bien?

Il l’attira vers lui et l’embrassa près des cheveux. Elle sentait bon.

– Mais ce n’est pas mon anniversaire! protesta Isis, c’est celui de Dupont!…

– Où est Dupont? Que je le congratule!…

– C’est dégoûtant, dit Isis. Ce matin, on l’a mené chez le tondeur, pour qu’il soit beau. On l’a fait baigner et tout, et, à deux heures, trois de ses amis étaient ici avec un ignoble vieux paquet d’os et ils l’ont emmené. Il va sûrement revenir dans un état affreux!…

– C’est son anniversaire, après tout, observa Colin.

Il voyait, par l’embrasure de la double porte, les garçons et les filles. Une douzaine dansaient. La plupart, debout les uns à côté des autres, restaient, les mains derrière le dos, par paires du même sexe, et échangeaient des impressions peu convaincantes d’un air peu convaincu.

– Enlevez votre manteau, dit Isis. Venez, je vais vous conduire au vestiaire des garçons.

Il la suivit, croisant au passage deux autres filles qui revenaient, avec des bruits de sacs et de poudriers, de la chambre d’Isis métamorphosée en vestiaire pour filles. Au plafond, pendaient des crochets de fer empruntés au boucher, et, pour faire joli, Isis avait emprunté aussi deux têtes de moutons bien écorchées qui souriaient au bout des rangées.

Le vestiaire des garçons, établi dans le bureau du père d’Isis, consistait en la suppression des meubles dudit. On jetait sa pelure sur le sol et le tour était joué. Colin n’y faillit point et s’attarda devant une glace.

– Allons, venez, s’impatientait Isis. Je vais vous présenter à des filles charmantes.

Il l’attira vers lui par les deux poignets.

– Vous avez une robe ravissante, lui dit-il.

C’était une petite robe toute simple, de lainage vert amande avec de gros boutons de céramique dorée et une grille en fer forgé formant l’empiècement du dos.

– Vous l’aimez? dit Isis.

– Elle est très ravissante, dit Colin. Peut-on passer la main à travers les barreaux sans être mordu?

– Ne vous y fiez pas trop, dit Isis.

Elle se dégagea, saisit Colin par la main et l’entraîna vers le centre de sudation. Ils bousculèrent deux nouveaux arrivants du sexe pointu, glissèrent au tournant du Couloir et rejoignirent le noyau central par la porte de la salle à manger.

– Tiens!… dit Colin, Alise et Chick sont déjà là?

– Oui, dit Isis. Venez, je vous présente… La moyenne des filles était présentable. L’une d’elles portait une robe en

lainage vert amande, avec de gros boutons en céramique dorée, et, dans le dos, un empiècement de forme particulière.

– Présentez-moi surtout à celle-là, dit Colin. Isis le secoua pour le faire tenir tranquille.

– Voulez-vous être sage, à la fin? Il en guettait déjà une autre et tirait sur la main de sa conductrice.

– C’est Colin, dit Isis. Colin, je vous présente Chloé. Colin avala sa salive. Sa bouche lui faisait comme du gratouillis de beignets brûlés.

– bonjour! dit Chloé…

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