Читаем Le Comte de Monte-Cristo. Tome III полностью

– Et maintenant, n’est-ce pas, reprit Bertuccio, Votre Excellence comprend que cette maison que je n’ai pas revue depuis, que ce jardin où je me suis retrouvé tout à coup, que cette place où j’ai tué un homme, ont pu me causer ces sombres émotions dont vous avez voulu connaître la source; car enfin je ne suis pas bien sûr que devant moi, là, à mes pieds, M. de Villefort ne soit pas couché dans la fosse qu’il avait creusé pour son enfant.

– En effet, tout est possible, dit Monte-Cristo en se levant du banc où il était assis; même, ajouta-t-il tout bas, que le procureur du roi ne soit pas mort. L’abbé Busoni a bien fait de vous envoyer à moi. Vous avez bien fait de me raconter votre histoire, car je n’aurai pas de mauvaises pensées à votre sujet. Quant à ce Benedetto si mal nommé, n’avez-vous jamais essayé de retrouver sa trace? n’avez-vous jamais cherché à savoir ce qu’il était devenu?

– Jamais, si j’avais su où il était, au lieu d’aller à lui, j’aurais fui comme devant un monstre. Non, heureusement, jamais je n’en ai entendu parler par qui que ce soit au monde, j’espère qu’il est mort.

– N’espérez pas, Bertuccio, dit le comte; les méchants ne meurent pas ainsi, car Dieu semble les prendre sous sa garde pour en faire l’instrument de ses vengeances.

– Soit, dit Bertuccio. Tout ce que je demande au ciel seulement, c’est de ne le revoir jamais. Maintenant, continua l’intendant en baissant la tête, vous savez tout, monsieur le comte; vous êtes mon juge ici-bas comme Dieu le sera là-haut; ne me direz-vous point quelques paroles de consolation?

– Vous avez raison, en effet, et je puis vous dire ce que vous dirait l’abbé Busoni: celui que vous avez frappé, ce Villefort, méritait un châtiment pour ce qu’il avait fait à vous et peut-être pour autre chose encore. Benedetto, s’il vit, servira, comme je vous l’ai dit, à quelque vengeance divine, puis sera puni à son tour. Quant à vous, vous n’avez en réalité qu’un reproche à vous adresser: demandez-vous pourquoi, ayant enlevé cet enfant à la mort, vous ne l’avez pas rendu à sa mère: là est le crime, Bertuccio.

– Oui, monsieur, là est le crime et le véritable crime, car en cela j’ai été un lâche. Une fois que j’eus rappelé l’enfant à la vie, je n’avais qu’une chose à faire, vous l’avez dit, c’était de le renvoyer à sa mère. Mais, pour cela, il me fallait faire des recherches, attirer l’attention, me livrer peut-être; je n’ai pas voulu mourir, je tenais à la vie par ma sœur, par l’amour-propre inné chez nous autres de rester entiers et victorieux dans notre vengeance; et puis enfin, peut-être, tenais-je simplement à la vie par l’amour même de la vie. Oh! moi, je ne suis pas un brave comme mon pauvre frère!»

Bertuccio cacha son visage dans ses deux mains, et Monte-Cristo attacha sur lui un long et indéfinissable regard.

Puis, après un instant de silence, rendu plus solennel encore par l’heure et par le lieu:

«Pour terminer dignement cet entretien, qui sera le dernier sur ces aventures, monsieur Bertuccio, dit le comte avec un accent de mélancolie qui ne lui était pas habituel, retenez bien mes paroles, je les ai souvent entendu prononcer par l’abbé Busoni lui-même: À tous maux il est deux remèdes: le temps et le silence. Maintenant, monsieur Bertuccio, laissez-moi me promener un instant dans ce jardin. Ce qui est une émotion poignante pour vous, acteur dans cette scène, sera pour moi une sensation presque douce et qui donnera un double prix à cette propriété. Les arbres, voyez-vous, monsieur Bertuccio ne plaisent que parce qu’ils font de l’ombre, et l’ombre elle-même ne plaît que parce qu’elle est pleine de rêveries et de visions. Voilà que j’ai acheté un jardin croyant acheter un simple enclos fermé de murs, et point du tout; tout à coup cet enclos se trouve être un jardin tout plein de fantômes, qui n’étaient point portés sur le contrat. Or, j’aime les fantômes; je n’ai jamais entendu dire que les morts eussent fait en six mille ans autant de mal que les vivants en font en un jour. Rentrez donc, monsieur Bertuccio, et allez dormir en paix. Si votre confesseur, au moment suprême, est moins indulgent que ne le fut l’abbé Busoni, faites-moi venir si je suis encore de ce monde, je vous trouverai des paroles qui berceront doucement votre âme au moment où elle sera prête à se mettre en route pour faire ce rude voyage qu’on appelle l’éternité.»

Bertuccio s’inclina respectueusement devant le comte, et s’éloigna en poussant un soupir.

Monte-Cristo resta seul; et, faisant quatre pas en avant:

«Ici, près de ce platane, murmura-t-il, la fosse où l’enfant fut déposé: là-bas, la petite porte par laquelle on entrait dans le jardin; à cet angle, l’escalier dérobé qui conduit à la chambre à coucher. Je ne crois pas avoir besoin d’inscrire tout cela sur mes tablettes, car voilà devant mes yeux, autour de moi, sous mes pieds, le plan en relief, le plan vivant.»

Перейти на страницу:

Похожие книги

Отверженные
Отверженные

Великий французский писатель Виктор Гюго — один из самых ярких представителей прогрессивно-романтической литературы XIX века. Вот уже более ста лет во всем мире зачитываются его блестящими романами, со сцен театров не сходят его драмы. В данном томе представлен один из лучших романов Гюго — «Отверженные». Это громадная эпопея, представляющая целую энциклопедию французской жизни начала XIX века. Сюжет романа чрезвычайно увлекателен, судьбы его героев удивительно связаны между собой неожиданными и таинственными узами. Его основная идея — это путь от зла к добру, моральное совершенствование как средство преобразования жизни.Перевод под редакцией Анатолия Корнелиевича Виноградова (1931).

Виктор Гюго , Вячеслав Александрович Егоров , Джордж Оливер Смит , Лаванда Риз , Марина Колесова , Оксана Сергеевна Головина

Проза / Классическая проза / Классическая проза ХIX века / Историческая литература / Образование и наука
1984. Скотный двор
1984. Скотный двор

Роман «1984» об опасности тоталитаризма стал одной из самых известных антиутопий XX века, которая стоит в одном ряду с «Мы» Замятина, «О дивный новый мир» Хаксли и «451° по Фаренгейту» Брэдбери.Что будет, если в правящих кругах распространятся идеи фашизма и диктатуры? Каким станет общественный уклад, если власть потребует неуклонного подчинения? К какой катастрофе приведет подобный режим?Повесть-притча «Скотный двор» полна острого сарказма и политической сатиры. Обитатели фермы олицетворяют самые ужасные людские пороки, а сама ферма становится символом тоталитарного общества. Как будут существовать в таком обществе его обитатели – животные, которых поведут на бойню?

Джордж Оруэлл

Классический детектив / Классическая проза / Прочее / Социально-психологическая фантастика / Классическая литература