Читаем Le compte de Monte-Cristo Tome III полностью

«Il y avait quelque chose de sinistre, croyez-moi, ajouta Haydée en secouant la tête et en pâlissant à cette seule mémoire, dans cette longue file d’esclaves et de femmes à demi alourdies par le sommeil, ou du moins je me le figurais ainsi, moi, qui peut-être croyais les autres endormis parce que j’étais mal réveillée.

«Dans l’escalier couraient des ombres gigantesques que les torches de sapin faisaient trembler aux voûtes.

«- Qu’on se hâte! dit une voix au fond de la galerie.

«Cette voix fit courber tout le monde, comme le vent en passant sur la plaine fait courber un champ d’épis.

«Moi, elle me fit tressaillir.

«Cette voix, c’était celle de mon père.

«Il marchait le dernier, revêtu de ses splendides habits, tenant à la main sa carabine que votre empereur lui avait donnée; et, appuyé sur son favori Sélim, il nous poussait devant lui comme un pasteur fait d’un troupeau éperdu.

«- Mon père, dit Haydée en relevant la tête, était un homme illustre que l’Europe a connu sous le nom d’Ali-Tebelin, pacha de Janina, et devant lequel la Turquie a tremblé.»

Albert, sans savoir pourquoi, frissonna en entendant ces paroles prononcées avec un indéfinissable accent de hauteur et de dignité; il lui sembla que quelque chose de sombre et d’effrayant rayonnait dans les yeux de la jeune fille, lorsque, pareille à une pythonisse qui évoque un spectre, elle réveilla le souvenir de cette sanglante figure que sa mort terrible fit apparaître gigantesque aux yeux de l’Europe contemporaine.

«Bientôt, continua Haydée, la marche s’arrêta; nous étions au bas de l’escalier et au bord d’un lac. Ma mère me pressait contre sa poitrine bondissante, et je vis, à deux pas derrière, mon père qui jetait de tous côtés des regards inquiets.

«Devant nous s’étendaient quatre degrés de marbre, et au bas du dernier degré ondulait une barque.

«D’où nous étions on voyait se dresser au milieu d’un lac une masse noire; c’était le kiosque où nous nous rendions.

«Ce kiosque me paraissait à une distance considérable, peut-être à cause de l’obscurité.

«Nous descendîmes dans la barque. Je me souviens que les rames ne faisaient aucun bruit en touchant l’eau; je me penchai pour les regarder: elles étaient enveloppées avec les ceintures de nos Palicares.

«Il n’y avait, outre les rameurs, dans la barque, que des femmes, mon père, ma mère, Sélim et moi.

«Les Palicares étaient restés au bord du lac, agenouillés sur le dernier degré, et se faisant, dans le cas où ils eussent été poursuivis, un rempart des trois autres.

«Notre barque allait comme le vent.

«- Pourquoi la barque va-t-elle si vite? demandai-je à ma mère.

«- Chut! mon enfant, dit-elle, c’est que nous fuyons.»

«Je ne compris pas. Pourquoi mon père fuyait-il, lui le tout-puissant, lui devant qui d’ordinaire fuyaient les autres, lui qui avait pris pour devise:

Ils me haïssent, donc ils me craignent?

«En effet, c’était une fuite que mon père opérait sur le lac. Il m’a dit depuis que la garnison du château de Janina, fatiguée d’un long service…»

Ici Haydée arrêta son regard expressif sur Monte-Cristo, dont l’œil ne quitta plus ses yeux. La jeune fille continua donc lentement, comme quelqu’un qui invente ou qui supprime.

«Vous disiez, signora, reprit Albert, qui accordait la plus grande attention à ce récit, que la garnison de Janina, fatiguée d’un long service.

– Avait traité avec le séraskier Kourchid, envoyé par le sultan pour s’emparer de mon père; c’était alors que mon père avait pris la résolution de se retirer, après avoir envoyé au sultan un officier franc, auquel il avait toute confiance, dans l’asile que lui-même s’était préparé depuis longtemps, et qu’il appelait kataphygion, c’est-à-dire son refuge.

– Et cet officier, demanda Albert, vous rappelez-vous son nom, signora?»

Monte-Cristo échangea avec la jeune fille un regard rapide comme un éclair, et qui resta inaperçu de Morcerf.

«Non, dit-elle, je ne me le rappelle pas; mais peut-être plus tard me le rappellerai-je, et je le dirai.»

Albert allait prononcer le nom de son père, lorsque Monte-Cristo leva doucement le doigt en signe de silence; le jeune homme se rappela son serment et se tut.

«C’était vers ce kiosque que nous voguions.

«Un rez-de-chaussée orné d’arabesques, baignant ses terrasses dans l’eau, et un premier étage donnant sur le lac, voici tout ce que le palais offrait de visible aux yeux.

«Mais au-dessous du rez-de-chaussée, se prolongeant dans l’île, était un souterrain, vaste caverne où l’on nous conduisit, ma mère, moi et nos femmes, et où gisaient, formant un seul monceau, soixante mille bourses et deux cents tonneaux; il y avait dans ces bourses vingt-cinq millions en or, et dans les barils trente mille livres de poudre.

«Près de ces barils se tenait Sélim, ce favori de mon père dont je vous ai parlé; il veillait jour et nuit, une lance au bout de laquelle brillait une mèche allumée à la main; il avait l’ordre de faire tout sauter, kiosque gardes, pacha, femmes et or, au premier signe de mon père.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Отверженные
Отверженные

Великий французский писатель Виктор Гюго — один из самых ярких представителей прогрессивно-романтической литературы XIX века. Вот уже более ста лет во всем мире зачитываются его блестящими романами, со сцен театров не сходят его драмы. В данном томе представлен один из лучших романов Гюго — «Отверженные». Это громадная эпопея, представляющая целую энциклопедию французской жизни начала XIX века. Сюжет романа чрезвычайно увлекателен, судьбы его героев удивительно связаны между собой неожиданными и таинственными узами. Его основная идея — это путь от зла к добру, моральное совершенствование как средство преобразования жизни.Перевод под редакцией Анатолия Корнелиевича Виноградова (1931).

Виктор Гюго , Вячеслав Александрович Егоров , Джордж Оливер Смит , Лаванда Риз , Марина Колесова , Оксана Сергеевна Головина

Проза / Классическая проза / Классическая проза ХIX века / Историческая литература / Образование и наука
1984. Скотный двор
1984. Скотный двор

Роман «1984» об опасности тоталитаризма стал одной из самых известных антиутопий XX века, которая стоит в одном ряду с «Мы» Замятина, «О дивный новый мир» Хаксли и «451° по Фаренгейту» Брэдбери.Что будет, если в правящих кругах распространятся идеи фашизма и диктатуры? Каким станет общественный уклад, если власть потребует неуклонного подчинения? К какой катастрофе приведет подобный режим?Повесть-притча «Скотный двор» полна острого сарказма и политической сатиры. Обитатели фермы олицетворяют самые ужасные людские пороки, а сама ферма становится символом тоталитарного общества. Как будут существовать в таком обществе его обитатели – животные, которых поведут на бойню?

Джордж Оруэлл

Классический детектив / Классическая проза / Прочее / Социально-психологическая фантастика / Классическая литература