– Oui monsieur, répondit Julie toute balbutiante; mais que me voulez-vous? je ne vous connais pas.
– Lisez cette lettre», dit l’homme en lui tendant un billet.
Julie hésitait.
«Il y va du salut de votre père», dit le messager.
La jeune fille lui arracha le billet des mains.
Puis elle l’ouvrit vivement et lut:
«SIMBAD LE MARIN.»
La jeune fille poussa un cri de joie, leva les yeux, chercha, pour l’interroger, l’homme qui lui avait remis ce billet mais il avait disparu.
Elle reporta alors les yeux sur le billet pour le lire une seconde fois et s’aperçut qu’il avait un
Elle lut:
«Il est important que vous remplissiez cette mission en personne et seule; si vous veniez accompagnée ou qu’une autre que vous se présentât, le concierge répondrait qu’il ne sait ce que l’on veut dire.»
Ce
Julie hésitait, elle résolut de demander conseil.
Mais, par un sentiment étrange, ce ne fut ni à sa mère ni à son frère qu’elle eut recours, ce fut à Emmanuel.
Elle descendit, lui raconta ce qui lui était arrivé le jour où le mandataire de la maison Thomson et French était venu chez son père; elle lui dit la scène de l’escalier, lui répéta la promesse qu’elle avait faite et lui montra la lettre.
«Il faut y aller, mademoiselle, dit Emmanuel.
– Y aller? murmura Julie.
– Oui, je vous y accompagnerai.
– Mais vous n’avez pas vu que je dois être seule? dit Julie.
– Vous serez seule aussi, répondit le jeune homme; moi, je vous attendrai au coin de la rue du Musée; et si vous tardez de façon à me donner quelque inquiétude, alors j’irai vous rejoindre, et, je vous en réponds, malheur à ceux dont vous me diriez que vous auriez eu à vous plaindre!
– Ainsi, Emmanuel, reprit en hésitant la jeune fille, votre avis est donc que je me rende à cette invitation?
– Oui; le messager ne vous a-t-il pas dit qu’il y allait du salut de votre père?
– Mais enfin, Emmanuel, quel danger court-il donc?» demanda la jeune fille.
Emmanuel hésita un instant, mais le désir de décider la jeune fille d’un seul coup et sans retard l’emporta.
«Écoutez, lui dit-il, c’est aujourd’hui le 5 septembre, n’est-ce pas?
– Oui.
– Aujourd’hui, à onze heures, votre père a près de trois cent mille francs à payer.
– Oui, nous le savons.
– Eh bien, dit Emmanuel, il n’en a pas quinze mille en caisse.
– Alors que va-t-il donc arriver?
– Il va arriver que si aujourd’hui, avant onze heures, votre père n’a pas trouvé quelqu’un qui lui vienne en aide, à midi votre père sera obligé de se déclarer en banqueroute.
– Oh! venez! venez!» s’écria la jeune fille en entraînant le jeune homme avec elle.
Pendant ce temps, Mme Morrel avait tout dit à son fils.
Le jeune homme savait bien qu’à la suite des malheurs successifs qui étaient arrivés à son père, de grandes réformes avaient été faites dans les dépenses de la maison; mais il ignorait que les choses en fussent arrivées à ce point.
Il demeura anéanti. Puis tout à coup, il s’élança hors de l’appartement, monta rapidement l’escalier, car il croyait son père à son cabinet, mais il frappa vainement. Comme il était à la porte de ce cabinet, il entendit celle de l’appartement s’ouvrir, il se retourna et vit son père. Au lieu de remonter droit à son cabinet, M. Morrel était rentré dans sa chambre et en sortait seulement maintenant.
M. Morrel poussa un cri de surprise en apercevant Maximilien; il ignorait l’arrivée du jeune homme. Il demeura immobile à la même place, serrant avec son bras gauche un objet qu’il tenait caché sous sa redingote.
Maximilien descendit vivement l’escalier et se jeta au cou de son père; mais tout à coup il se recula, laissant sa main droite seulement appuyée sur la poitrine de son père.
«Mon père, dit-il en devenant pâle comme la mort, pourquoi avez-vous donc une paire de pistolets sous votre redingote?