Читаем Le Collier de la Reine - Tome II полностью

– Vous ne dites plus rien?

– Je serais suspecte à Votre Majesté, j’encourrais sa disgrâce, son blâme, en exprimant une opinion qui froisserait la sienne.

– Vous pensez le contraire de ce que je pense à l’égard du cardinal?

– Diamétralement, madame.

– Vous ne parleriez pas ainsi le jour où vous sauriez ce que le prince Louis a fait contre moi.

– Je sais seulement ce que je l’ai vu faire pour le service de Votre Majesté.

– Des galanteries?

Jeanne s’inclina.

– Des politesses, des souhaits, des compliments? continua la reine.

Jeanne se tut.

– Vous avez pour monsieur de Rohan une amitié vive, comtesse; je ne l’attaquerai plus devant vous.

Et la reine se mit à rire.

– Madame, répondit Jeanne, j’aimais mieux votre colère que votre raillerie. Ce que ressent monsieur le cardinal pour Votre Majesté est un sentiment tellement respectueux, que, j’en suis sûre, s’il voyait la reine rire de lui, il mourrait.

– Oh! oh! il a donc bien changé.

– Mais Votre Majesté me faisait l’honneur de me dire l’autre jour que, depuis dix ans déjà, monsieur de Rohan était passionnément…

– Je plaisantais, comtesse, dit sévèrement la reine.

Jeanne, réduite au silence, parut à la reine résignée à ne plus lutter, mais Marie-Antoinette se trompait bien. Pour ces femmes, nature de tigre et de serpent, le moment où elles se replient est toujours le prélude de l’attaque; le repos concentré précède l’élan.

– Vous parlez de ces diamants, fit imprudemment la reine. Avouez que vous y avez pensé.

– Jour et nuit, madame, dit Jeanne avec la joie d’un général qui voit faire sur le champ de bataille une faute décisive à son ennemi. Ils sont si beaux, ils iront si bien à Votre Majesté.

–Comment cela?

– Oui, madame, oui, à Votre Majesté.

– Mais ils sont vendus?

– Oui, ils sont vendus.

– À l’ambassadeur de Portugal?

Jeanne secoua doucement la tête.

– Non? fit la reine avec joie.

– Non, madame.

– À qui donc?

– Monsieur de Rohan les a achetés.

La reine fit un bond, et, tout à coup refroidie:

– Ah! fit-elle.

– Tenez, madame, dit Jeanne avec une éloquence pleine de fougue et d’entraînement, ce que fait monsieur de Rohan est superbe; c’est un moment de générosité, de bon cœur; c’est un beau mouvement; une âme comme celle de Votre Majesté ne peut s’empêcher de sympathiser avec tout ce qui est bon et sensible. À peine monsieur de Rohan a-t-il su par moi, je l’avoue, la gêne momentanée de Votre Majesté:

«“Comment! s’est-il écrié, la reine de France se refuse ce que n’oserait se refuser une femme de fermier général? Comment! la reine peut s’exposer à voir un jour madame Necker parée de ces diamants?”

«Monsieur de Rohan ignorait encore que l’ambassadeur de Portugal les eût marchandés. Je le lui appris. Son indignation redoubla. “Ce n’est plus, dit-il, une question de plaisir à faire à la reine, c’est une question de dignité royale. Je connais l’esprit des cours étrangères – vanité, ostentation –, on y rira de la reine de France, qui n’a plus d’argent pour satisfaire un goût légitime; et moi, je souffrirais qu’on raillât la reine de France! Non, jamais.” Et il m’a quittée brusquement. Une heure après, je sus qu’il avait acheté les diamants.

– Quinze cent mille livres?

– Seize cent mille livres.

– Et quelle a été son intention en les achetant?

– Que, puisqu’ils ne pouvaient être à Votre Majesté, ils ne fussent pas du moins à une autre femme.

– Et vous êtes sûre que ce n’est pas pour en faire hommage à quelque maîtresse que monsieur de Rohan a acheté ce collier?

– Je suis sûre que c’est pour l’anéantir plutôt que de le voir briller à un autre col qu’à celui de la reine.

Marie-Antoinette réfléchit, et sa noble physionomie laissa voir sans nuage tout ce qui se passait dans son âme.

– Ce qu’a fait là monsieur de Rohan est bien, dit-elle; c’est un trait noble et d’un dévouement délicat.

Jeanne absorbait ardemment ces paroles.

– Vous remercierez donc monsieur de Rohan, continua la reine.

– Oh! oui, madame.

– Vous ajouterez que l’amitié de monsieur de Rohan m’est prouvée, et que moi, en honnête homme, ainsi que le dit Catherine[1], j’accepte tout de l’amitié, à charge de revanche. Aussi, j’accepte, non pas le don de monsieur de Rohan…

– Quoi donc, alors?

– Mais son avance… Monsieur de Rohan a bien voulu avancer son argent ou son crédit, pour me faire plaisir. Je le rembourserai. Bœhmer avait demandé du comptant, je crois?

– Oui, madame.

– Combien, deux cent mille livres?

– Deux cent cinquante mille livres.

– C’est le trimestre de la pension que me fait le roi. On me l’a envoyé ce matin, d’avance, je le sais, mais enfin on me l’a envoyé.

La reine sonna rapidement ses femmes qui l’habillèrent, après l’avoir enveloppée de fines batistes chauffées.

Restée seule avec Jeanne, et réinstallée dans sa chambre, elle dit à la comtesse:

– Ouvrez, je vous prie, ce tiroir.

– Le premier?

– Non, le second. Vous voyez un portefeuille?

– Le voici, madame.

– Il renferme deux cent cinquante mille livres. Comptez-les.

Jeanne obéit.

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