— Où est votre ardeur, Mven?
— Elle n’est pas disparue, elle est seulement jugulée… par la souffrance.
— Et Ren Boz?
— Il va mieux. Il cherche à préciser son abstraction.
— Je vois. Une minute, Mven… Quelque chose d’important!
L’écran de l’Africain s’éteignit, et quand il se ralluma, Mven Mas crut voir une autre femme, juvénile et insouciante.
— Dar Véter redescend sur la Terre. Le satellite 57 est achevé avant terme.
— Déjà! Tout est fait?
— Non, seulement le montage extérieur et l’installation des machines énergétiques. Les travaux intérieurs sont plus faciles. On a rappelé Dar Véter pour qu’il prenne du repos et analyse le rapport de Junius Ante sur un nouveau mode de transmission par l’Anneau.
— Merci, Véda. Je serais heureux de revoir Dar Véter.
— Vous le verrez certainement… Mais je n’ai pas fini. Grâce aux efforts conjugués de l’humanité, on a amassé de l’anaméson pour le
— Oui. La planète leur montrera, au moment des adieux, ce qu’elle a de plus beau et de plus séduisant. Comme ils auraient voulu voir la danse de Tchara à la Fête des Coupes de Feu, la danseuse la répétera pour eux avant l’envol, au cosmoport central d’El Homra… Rendez-vous làbas!
— C’est entendu, cher Mven Mas!
CHAPITRE XV. LA NEBULEUSE D’ANDROMEDE
La vaste plaine d’El Homra s’étend au sud du golfe de Grande Syrte, en Afrique du Nord. Avant la suppression des cycles alizéens et la transformation du climat, c’était une hamada, désert de gravier jpoli et de rochers.asguleux, d’une teinte rougeatre qui a donné au site le nom de hamada
la Rouge. Océan de feu les jours de soleil, océan d’aigre bise les nuits d’automne et d’hiver. Il ne restait à présent de la hamada que le vent qui faisait ondoyer sur le terrain ferme l’herbe haute et bleuâtre transplantée d’Afrique australe. Le sifflement du vent et l’ondulation de l’herbe éveillaient dans l’âme une vague mélancolie et le sentiment d’avoir déjà vu ce paysage steppique plus d’une fois et en diverses circonstancesi dans la joie et le chagrin…
Les envols et les atterrissages des astronefs laissaient dans la savane des brûlures de près d’un kilomètre de diamètre. Ces cercles étaient entourés de grillages métalliques rouges et restaient isolés pendant dix ans, durée deux fois plus longue que celle de la désagrégation des gaz d’échappement des moteurs. Après un atterrissage ou un départ, le cosmoport déménageait ailleurs. Cela prêtait à l’équipement et aux locaux un caractère provisoire et apparentait le personnel aux anciens nomades du Sahara, qui avaient vagabondé là pendant des millénaires sur des animaux bossus au cou cambré et aux pattes calleuses, appelés dromadaires…
Le planétonef
Dar Véter admirait non seulement le bleu du ciel et la blancheur virginale des nuages, mais aussi le sol poussiéreux, hérissé d’une herbe rare.
Quel plaisir de fouler la Terre sous le soleil d’or, le visage exposé à la fraîcheur de la brise! C’est seulement après avoir séjourné au bord des gouffres cosmiques qu’on peut apprécier toute la beauté de notre planète, surnommée autrefois la
Grom Orm, le vieux président du Conseil, ne retint pas le bâtisseur, car il voulait dire adieu lui-même à l’équipage du
Ils arrivèrent ensemble à El Homra le jour du départ. Dar Véter aperçut d’en haut deux énormes miroirs dans l’immensité grise de la plaine: celui de droite presque circulaire, celui de gauche en forme d’ellipse oblongue, effilée à un bout. C’étaient les traces récentes des envols de la 38e expédition astrale.