Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome IV полностью

– Oh! tu vivras! Jamais Dieu n’a donné une volonté de cette force à des âmes qui doivent quitter prématurément la terre. Dieu habille chaudement les plantes qui ont besoin de braver de longs hivers; il donne la cuirasse d’acier aux cœurs qui ont à subir les longues épreuves. Mais tu avais, ce me semble, annoncé deux motifs pour ne pas garder mille livres: la délicatesse d’abord…

– Ensuite la prudence. Le jour où je quitterai la France, force me sera de me cacher… Ce n’est donc pas en allant trouver un capitaine dans un port, en lui remettant de l’argent – car je présume que c’est ainsi qu’on fait -, ce n’est pas, dis-je, en m’allant vendre moi-même que je réussirai à me cacher.

– Alors, tu supposes que je puis t’aider à disparaître?

– Je sais que vous le pouvez.

– Qui te l’a dit?

– Oh! vous avez trop de moyens surnaturels à votre disposition pour n’avoir pas aussi l’arsenal tout entier des moyens naturels. Un sorcier n’est jamais si sûr de lui qu’il n’ait quelque bonne porte de salut.

– Gilbert, dit tout à coup Balsamo en étendant la main sur le jeune homme, tu es un esprit aventureux, hardi; tu es pétri de bien et de mal, comme une femme; tu es stoïque et probe sans affèterie; je ferai de toi un homme très grand; demeure avec moi. Je te crois capable de reconnaissance; demeure ici, te dis-je, cet hôtel est un asile sûr; moi, d’ailleurs, je quitte l’Europe dans quelques mois, je t’emmènerai.

Gilbert écouta.

– Dans quelques mois, dit-il, je ne répondrais pas non; mais, aujourd’hui, je dois vous dire: «Merci, monsieur le comte, votre proposition est éblouissante pour un malheureux; toutefois, je la refuse.»

– La vengeance d’un moment ne vaut pas un avenir de cinquante années, peut-être?

– Monsieur, ma fantaisie ou mon caprice vaut toujours pour moi plus que tout l’univers, au moment où j’ai cette fantaisie ou ce caprice. D’ailleurs, outre la vengeance, j’ai un devoir à remplir.

– Voici tes vingt mille livres, répliqua Balsamo sans hésitation.

Gilbert prit deux billets de caisse, et, regardant son bienfaiteur:

– Vous obligez comme un roi! dit-il.

– Oh! mieux, j’espère, dit Balsamo; car je ne demande pas même qu’on me garde un souvenir.

– Bien; mais je suis reconnaissant, comme vous disiez tout à l’heure, et, lorsque ma tâche sera remplie, je vous paierai ces vingt mille livres.

– Comment?

– En me mettant à votre service autant d’années qu’il en faut à un serviteur pour payer vingt mille livres à son maître.

– Tu es encore cette fois illogique, Gilbert. Tu me disais, il n’y a qu’un moment: «Je vous demande vingt mille livres, que vous me devez

– C’est vrai; mais vous m’avez gagné le cœur.

– J’en suis aise, dit Balsamo sans aucune expression. Ainsi, tu seras à moi, si je veux?

– Oui.

– Que sais-tu faire?

– Rien; mais tout est dans moi.

– C’est vrai.

– Mais je veux avoir dans ma poche un moyen de quitter la France en deux heures, si besoin était.

– Ah! voilà mon service déserté.

– Je saurai bien vous revenir.

– Et je saurai bien te retrouver. Voyons, terminons là, causer si longuement me fatigue. Avance la table.

– Voici.

– Passe-moi les papiers qui sont dans ce petit carton sur le chiffonnier.

– Voici.

Balsamo prit les papiers, et lut à mi-voix les lignes sur un des papiers couvert de trois signatures, ou plutôt de trois chiffres étranges.

«Le 15 décembre, au Havre, pour Boston, P. J. l’Adonis

– Que penses-tu de l’Amérique, Gilbert?

– Que ce n’est pas la France, et qu’il me sera fort doux d’aller par mer, à un moment donné, dans un pays quelconque qui ne sera pas la France.

– Bien!… Vers le 15 décembre: n’est-ce pas ce moment donné dont tu parles?

Gilbert compta sur ses doigts en réfléchissant.

– Précisément, dit-il.

Balsamo prit une plume et se contenta d’écrire sur une feuille blanche ces deux lignes:

«Recevez sur l’Adonis un passager.

Joseph Balsamo.»

– Mais ce papier est dangereux, dit Gilbert, et moi qui cherche un gîte, je pourrai bien trouver la Bastille.

– À force d’avoir de l’esprit, on ressemble à un sot, dit le comte. L’Adonis, mon cher monsieur Gilbert, est un navire marchand dont je suis le principal armateur.

– Pardonnez-moi, monsieur le comte, dit Gilbert en s’inclinant; je suis, en effet, un misérable à qui la tête tourne quelquefois, mais jamais deux fois de suite; pardonnez-moi donc, et croyez à toute ma reconnaissance.

– Allez, mon ami.

– Adieu, monsieur le comte.

– Au revoir, dit Balsamo en lui tournant le dos.

<p id="_Toc103006344">Chapitre CLVI Dernière audience</p>
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