Читаем Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 полностью

incompréhensibles. Vous allez mourir, Garin, et j'ignore tout de vous. Dites-moi la vérité... votre vérité ! Pourquoi n'ai-je été votre femme que de nom et jamais dans la réalité ? Non... ne me parlez pas du duc ! Il n'y a pas eu, entre lui et vous, que ce marché dégradant auquel vous avez voulu me faire croire.

Je le sais... je le sens. Il y a autre chose ! Quelque chose que je n'arrive pas à comprendre et qui empoisonne ma vie...

Une émotion inattendue brisa sa voix. Elle regarda Garin. D'où elle était assise, elle ne pouvait voir de lui qu'un profil immobile, le côté intact de son visage, quelques lignes nettes à l'expression méditative.

— Répondez-moi ! implora-t-elle.

Lentement, il tourna la tête vers elle. Il n'y avait

plus trace d'ironie sur ce visage pensif.

— Otez votre masque ! ordonna-t-il doucement.

Elle obéit, sentit glisser sur sa joue le tissu soudain humide.

— Vous pleurez ? fit Garin avec une immense surprise. Pourquoi ?

— Je... je ne sais pas ! Je ne pourrais pas vous le dire.

— C'est sans doute mieux ainsi ! Je conçois votre étonnement, les questions que vous avez pu vous poser. Vous n'avez rien compris, n'est-ce pas, à cet homme qui refusait votre incroyable beauté ?

— J'ai fini par penser que je vous déplaisais... fit Catherine d'une petite voix timide.

Non, vous ne le pensiez pas et vous aviez raison. Car je vous ai désirée comme un forcené, comme l'homme enchaîné et mourant de soif désire la cruche ruisselante posée devant ses yeux mais hors de portée de sa main. Je n'aurais pas été sur le point de devenir fou de haine et de rage si je vous avais moins désirée... si je vous avais moins aimée !

Il parlait maintenant d'une voix sans timbre, monocorde, qui touchait Catherine plus qu'elle ne voulait l'admettre.

— Alors... pourquoi ces refus perpétuels... à vous- même et à moi ?

Garin ne répondit pas tout de suite. Tête inclinée sur la poitrine, il paraissait réfléchir profondément. Mais il la redressa brusquement comme quelqu'un qui a pris un parti.

C'est une vieille et assez lamentable histoire, mais vous avez le droit de la connaître. Il y a près de trente ans... vingt-huit exactement ce mois-ci, j'étais un jeune étourdi de seize ans qui ne rêvait que plaies, bosses et jolies filles.

J'éclatais d'orgueil parce que écuyer du comte de Nevers, le futur duc Jean, je me préparais à l'accompagner à la croisade. Vous êtes trop jeune pour avoir entendu parler de cette folle aventure qui entraîna vers les plaines de Hongrie, à l'appel du roi Sigismond attaqué par les Turcs infidèles, toute une armée de jeunes et bouillants chevaliers français, allemands et même anglais. Le comte Jean et le jeune maréchal de Boucicaut commandaient cette cavalcade d'une dizaine de milliers d'hommes. De plus brillante, de plus folle non plus, je n'en ai jamais vu ! Les harnachements, les bagages étaient somptueux, la moyenne d'âge se situait entre dix-huit et trente ans et tout le monde, comme moi-même, était enchanté. Quand l'armée quitta Dijon, le 30 avril 1396, pour se diriger vers le Rhin, on aurait pu croire à un départ pour quelque gigantesque tournoi. L'or, l'argent, l'acier étincelaient, les soieries bruissaient dans le vent et chacun racontait à l'avance, à grands cris, les retentissants exploits qu'il se proposait d'accomplir, pour son honneur et l'amour de sa dame. J'étais comme les autres... _

— Est-ce à dire que vous... étiez amoureux ? demanda Catherine.

Mais oui... pourquoi pas ? Elle s'appelait Marie de La Chesnel, elle avait quinze ans et elle était blonde, comme vous... moins que vous pourtant et, sans doute, moins belle ! Nous partîmes donc et je vous ferai grâce du récit de cette lamentable expédition où la jeunesse et l'inexpérience causèrent la catastrophe. Il n'y avait aucune discipline. Chacun de nous ne pensait qu'à se couvrir de gloire, sans songer au bien commun et malgré les remontrances du roi Sigismond de Hongrie, inquiet des folies que nous débitions. Il avait, sur nous, l'avantage de connaître son ennemi, cet Infidèle dont il avait pu mesurer la valeur guerrière et la ténacité. Les Turcs étaient commandés par leur sultan, Bayézid, qu'ils surnommaient Ildérim, ce qui veut dire l'Eclair.

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