Читаем Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 полностью

Épuisée, les tempes serrées dans l'étau d'une migraine commençante, Catherine se laissa glisser à genoux au pied de son lit, le front appuyé à la courtepointe usée. Tout compte fait, elle avait remporté une demi-victoire.

Du moins avait-elle acquis l'assurance qu'aucun homme, autre que le chef routier, ne toucherait Sara. Et puis, elle était trop lasse, maintenant, pour réfléchir avec profit. Elle avait à la fois faim et sommeil. Aussi, quand Tranchemer reparut avec une écuelle et un grand pot de vin, ne fit-elle aucune difficulté pour attaquer ce qui lui était servi. C'était assez maigre, une soupe épaissie à la farine dans laquelle nageaient quelques tranches de lard, le tout aussi mal cuisiné que possible.

— Vous n'êtes pas généreux avec vos prisonniers, remarqua-t-elle aigrement.

Faut pas vous plaindre ! C'est l'ordinaire pour tout le monde. Vous avez même eu droit à un morceau de lard supplémentaire ! On vous a bien prévenue qu'en ce moment, on manquait de nourriture. La nuit dernière, le sire de Courson nous a volé notre unique, vache et nos deux cochons. Alors, pour ce soir, c'est plutôt maigre. Demain ça ira peut-être mieux...

— Pourquoi ? Vous attendez un convoi de vivres ?

— Qui viendrait d'où ? Non, mais cette nuit on essayera de lui voler ses chèvres, au sire de Courson ! Faut bien vivre, que voulez-vous ?

Si la nourriture était détestable, le vin, lui, était bon. Catherine en but peut-être un peu plus que de raison et ne tarda pas à se sentir la tête lourde.

La nuit était profonde maintenant, au-dehors, et il n'y avait rien d'autre à faire que dormir. Elle alla se jeter sur son lit tout habillée, ramena sur elle la couverture effrangée, la courtepointe trouée et ne tarda pas à s'endormir.

Le visage de Sara penché sur elle fut la première chose qui frappa Catherine quand elle ouvrit les yeux, le lendemain matin. Il faisait grand jour et un léger rayon de soleil, pénétrant dans la chambre, dessinait en noir, sur le sol poussiéreux, la colonnette de la fenêtre. Spontanément, la jeune femme se jeta au cou de la tzingara.

— Sara !... Enfin, c'est toi ! Je me suis tellement tourmentée ! Comment vas-tu ?

Sara eut un mince sourire et haussa les épaules. Son visage brun était tiré.

De grands cernes bistre marquaient ses yeux mais elle ne paraissait pas avoir autrement souffert. Ses cheveux noirs pendaient sur son dos, dénoués, en une masse épaisse qui la rajeunissait et elle portait une antique robe de brocart jaune aux manches si amples qu'elles traînaient à terre mais largement décolletée.

— Je vais bien ! dit-elle. Si tu veux savoir comment s'est comporté Fortépice, je te dirai qu'il s'est comporté comme n'importe quel homme, ni plus, ni moins. Au fond, son surnom me paraît un peu usurpé...

Sara, malgré son visage soucieux, semblait presque gaie et Catherine en vint à se demander si elle n'avait pas trouvé quelque plaisir à l'aventure.

Mais elle se reprocha bien vite cette pensée peu charitable. D'ailleurs, Sara demandait :

— Que comptes-tu faire, maintenant ?

Catherine la considéra avec une immense surprise.

Quelle drôle de question !

— Ce que je compte faire ? Ma foi, je n'en sais encore rien. Mais si tu me demandes ce que j'ai envie de faire, je te dirai tout de suite que je n'ai qu'un désir, c'est de sortir d'ici au plus vite...

— Est-ce que tu ne crois pas que le mieux serait d'attendre tranquillement l'arrivée de ta rançon ? Dès hier soir, Fortépice a envoyé l'un de ses hommes en Flandres après avoir obligé frère Étienne à écrire sa lettre.

Je commence à comprendre pourquoi il avait besoin d'un chapelain. Ce n'est pas tellement pour dire la messe ou pour réciter des patenôtres sur le corps de ses défunts compagnons, mais bien parce que, dans toute cette jolie bande, personne ne sait écrire.

Catherine bondit tandis qu'une expression d'incrédulité s'étendait sur son visage.

Est-ce que tu songes à ce que tu dis ? Attendre ici ma rançon ? Crois-tu donc que j'aie entrepris ce voyage insensé pour attendre au fond d'une tour croulante que Philippe m'arrache des mains d'un brigand impécunieux à coups de sacs d'or ? Dans ce cas, j'avais bien meilleur temps de repartir tout de suite pour Bruges ! Or, c'est justement cela que je ne veux pas. Je crains l'or de Philippe autant que les bandits de Fortépice, davantage peut-être car il représente la prison dont je ne pourrai jamais m'évader...

Elle avait saisi Sara aux épaules et, les dents serrées d'exaspération, la secouait sans ménagements.

— Je me moque de Philippe, tu entends ? C'est Arnaud que je veux rejoindre. Arnaud ! C'est clair ?...

— Tu es folle, Catherine ! Cet homme te hait ! Il n'a jamais fait que te mépriser, toujours il t'a fait souffrir.

— Mais je l'aime, comprends-tu ? C'est ça qui compte... ça seulement !

J'aime mieux mourir sous les murs d'Orléans plutôt que régner à Bruges pourvu qu'en rendant le dernier souffle, ma main touche celle d'Arnaud !

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