Читаем Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 полностью

La stupeur arrondit, en cercles presque parfaits, les yeux changeants de la jeune fille. Barnabé avait une manière à lui de dire les choses comme si elles étaient toutes normales et comme s'il était très naturel qu'un truand fût si bien au courant de ce qui se passait dans le palais des princes.

— Comment sais-tu tout cela, balbutia-t-elle.

— Je le sais, cela doit te suffire ! Et je vais même t'en dire plus, petite. Si le duc veut te marier, c'est parce qu'il est plus commode, dans une ville comme celle-ci où la bourgeoisie est puissante, de faire sa maîtresse d'une femme mariée que d'une jouvencelle. Il est prudent, le duc, et entend mettre toutes les chances de son côté.

— Alors, fit Catherine, je ne comprends plus. Le sire de Brazey ne semble guère du bois dont on fait les maris complaisants.

C'était l'évidence même et la justesse de ce raisonnement frappa Barnabé. Il se gratta la tête, esquissa une affreuse grimace.

— Je reconnais que tu as raison et je comprends mal pourquoi il a choisi son grand argentier plutôt qu'un autre en dehors du fait qu'il n'est pas marié. Garin de Brazey est tout ce qu'on veut, sauf facile à manier. Peut-être le duc n'avait-il personne d'autre sous la main parmi ses fidèles ! Car il est évident qu'il désire surtout, par ce mariage, t'introduire à sa Cour. Je suppose que tu as accepté. Une union pareille ne se refuse pas.

— C'est ce qui te trompe. J'ai refusé jusqu'ici...

Patiemment, Catherine refit alors pour son vieil ami le récit de son aventure de Flandres. Parce qu'elle sentait que les secrets n'étaient plus de mise, elle raconta tout ; comment elle avait rencontré Arnaud de Montsalvy, comment, retrouvant vivant le souvenir qu'elle croyait bien mort, elle s'était éprise de lui au premier regard, comment l'appel de Mathieu l'avait arrachée de ses bras au moment où elle allait se donner à lui. Elle parlait, parlait sans effort, tout naturellement, ayant aboli toute pudeur. Assise sur le coin du matelas, les mains nouées autour des genoux, les yeux perdus dans l'ombre noire des solives, elle semblait réciter pour elle-même une belle histoire d'amour. Barnabé retenait sa respiration pour ne pas rompre le charme, car il comprenait qu'à cet instant, Catherine l'avait oublié.

Quand la voix de la jeune fille s'éteignit, le silence s'étendit entre les deux interlocuteurs. Catherine avait ramené son regard sur son vieil ami. La tête sur la poitrine, Barnabé réfléchissait.

— Si je comprends bien, dit-il au bout d'un moment, tu refuses Garin de Brazey parce que tu veux te garder toute à ce garçon qui te hait, te méprise et t'a tout juste épargnée parce que tu es femme... ou bien parce que, dans cette auberge et blessé par surcroît, il craignait de ne pas s'en tirer. Tu n'es pas un peu folle, dis-moi ?

— Crois-le ou ne le crois pas, riposta Catherine sèchement, mais il en est ainsi. Je ne veux pas appartenir à un autre homme.

Tu diras ça au duc, grogna Barnabé. Je me demande ce qu'il en pensera. Quant à Garin, comment comptes-tu t'en tirer ? Pas d'illusions, il est prêt à obéir au duc. C'est un trop fidèle serviteur pour ça... et aussi tu es une trop belle fille pour qu'on te refuse. Toi, tu n'as pas davantage le droit de dire non sous peine d'attirer sur les tiens la colère du seigneur. Et il n'est pas tendre notre bon duc. Alors ?

— C'est pour ça que je suis venue te voir...

Catherine s'était relevée et s'étirait, engourdie par sa position courbée. Sa fine silhouette s'allongea dans ; la lueur dansante et rouge de la chandelle. La masse dorée, fulgurante de sa chevelure l'enveloppait d'une sorte de gloire qui serra soudain le cœur du Coquillart.

La beauté de cette fille devenait insoutenable et Barnabé du fond de son affection plus inquiète qu'il ne voulait bien l'admettre, sentit qu'elle était de celles qui déchaînaient les guerres, font s'entre-tuer les hommes et apportent bien rarement le bonheur à leurs propriétaires, tant l'excès en tout peut devenir dangereux. Il n'est jamais bon de dépasser de si haut le niveau commun...

Il acheva de vider le pot de vin puis le jeta à terre d'un geste indifférent. Le pot se brisa et quelques débris roulèrent dans la poussière loin du grabat.

— Qu'attends-tu de moi ? demanda-t-il calmement.

— Que tu rendes impossible ce mariage. Je sais que tu disposes de moyens nombreux... et d'hommes aussi. Il est peut-être possible de m'empêcher de me marier sans que j'aie à refuser et sans que Garin de Brazey ait à se dresser contre son seigneur.

— Ce qu'il ne fera pas. Alors, ma chère, je ne vois qu'un seul moyen : la mort. Pour toi ou pour Garin. Je suppose que tu ne tiens pas à mourir ?

Incapable de répondre, Catherine secoua la tête, les yeux obstinément baissés sur ses souliers poussiéreux. Barnabé ne se trompa pas à ce silence.

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