Читаем Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 полностью

Les deux jeunes filles, toujours l'une derrière l'autre, longèrent le pourpris de l'hôtel des Ducs. En vue de la flèche de la chapelle ducale, cerclée à mi-hauteur de la couronne fleurdelisée d'or, Loyse se signa dévotement. Catherine en fit autant puis toutes deux s'engouffrèrent dans l'étroite et tortueuse rue de la Verrerie. Loyse allait bon train et semblait de plus mauvaise humeur que de coutume. Visiblement, la rencontre fortuite avec le sire de Brazey l'avait indisposée car, hormis peut-être l'oncle Mathieu qui n'osait trop s'interroger sur les sentiments qu'elle lui portait, Loyse haïssait et méprisait tous les hommes en masse. Catherine ne voulant pas exciter davantage sa hargne pressa le pas malgré la légère douleur qu'elle ressentait toujours. On prit la rue de la Draperie qui était courte puis la rue du Griffon qui lui faisait suite. Un instant plus tard, Catherine et sa sœur franchissaient le seuil de la boutique de Mathieu à l'enseigne du Grand Saint Bonaventure.

Depuis son retour de Flandres, Catherine avait l'impression de vivre dans une peau qui n'était pas tout à fait la sienne et dans laquelle elle se sentait mal à l'aise. Elle avait eu beaucoup de mal à rentrer dans l'ordre familial, si soigneusement établi depuis des années, si immuable et l'ornière où roulait sa vie tranquille de petite bourgeoise lui

semblait

maintenant

bien

plus

profonde,

étrangement

inconfortable.

Il avait fallu une toute petite chose pour l'arracher à son univers paisible, un peu incolore et pour la jeter dans des chemins inconnus. Il avait fallu une simple gifle appliquée sur la joue d'un pelletier gantois trop entreprenant pour déchaîner le destin. Cette gifle avait retardé leur départ de Bruges tout en la jetant presque aux bras du duc Philippe et ce retard les avait amenés à point nommé pour porter secours à un chevalier blessé. Une minute, Catherine avait vu s'entrouvrir les portes d'un avenir éblouissant et puis ces portes s'étaient refermées, avec le claquement sec d'une autre gifle. En principe, le cercle était fermé, d'une gifle à l'autre, mais la jeune fille savait bien qu'il n'en était rien, que quelque chose viendrait.

Pour en être sûre, il lui suffisait de regarder le superbe perroquet qui sommeillait sur son perchoir doré, dans un coin de sa chambre, près de la fenêtre, un magnifique oiseau aux plumes bleues touchées d'écarlate qu'un page avait apporté un matin au nom du duc et que l'oncle Mathieu avait eu bonne envie de renvoyer d'où il venait.

Catherine rit toute seule en se rappelant l'arrivée de l'oiseau et la stupeur indignée du drapier devant cet animal étrange dont l'œil rond et arrogant l'examinait sans indulgence. En apprenant que l'oiseau était pour Catherine et que le duc en personne l'envoyait, Mathieu était devenu rouge de colère.

— Monseigneur Philippe nous fait trop d'honneur ! fit-il au page impassible qui attendait qu'on le débarrassât de son fardeau, mais ma nièce est fille et ne doit pas recevoir de si précieux cadeau.

Il ne savait comment expliquer son idée sans blesser son seigneur, mais le page avait bien compris ce que cela voulait dire.

— Je ne peux remporter Gédéon, dit-il. Ce serait offenser Monseigneur.

— Mais moi, répliqua Mathieu, Monseigneur m'offense en supposant que ma nièce pourrait accueillir ses hommages. La réputation d'une fille est fragile.

C'est alors que Gédéon, trouvant que la discussion s'éternisait, était entré dans le débat. Ouvrant son grand bec rouge qui le faisait ressembler vaguement de profil à l'oncle Mathieu, il avait clamé :

— Gloirrrrrrrre... au duc ! Gloirrrrrre... au duc !...

Mathieu avait été tellement stupéfait d'entendre parler l'oiseau qu'il avait laissé le page repartir sans plus songer à le retenir. Et Catherine qui s'étouffait de rire avait pu emporter dans sa chambre le papegeai.

Il continuait à hurler. Depuis, Gédéon était la grande récréation de la maison, et même de l'oncle Mathieu. Tous deux se disputaient férocement.

Après s'être recoiffée devant son miroir, Catherine s'apprêtait à redescendre quand le pas d'un cheval dans la rue l'attira à la fenêtre.

Une épaisse couche de poussière se levait sous les pas de l'animal car les rues de Dijon n'étaient pas encore pavées. Passant lentement entre la double rangée de maisons aux fenêtres desquelles s'agitaient les ménagères, elle reconnut Garin de Brazey et n'eut pas le temps de s'étonner. L'argentier, la tête levée, l'avait aperçue à sa fenêtre et la saluait gravement. Rougissante, elle rendit le salut et se retira au fond de la pièce ne sachant trop comment interpréter cette nouvelle rencontre, suivant de si près la première. Venait-il acheter des étoffes

? Mais non, le pas du cheval s'éloignait. Lissant machinalement du doigt sa jupe de toile vert amande garnie d'un simple galon blanc, la jeune fille descendit retrouver Mathieu.

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