Читаем Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 полностью

Malgré ses efforts, Catherine ne put même pas entrevoir la vieille basilique romane où dormait l'insigne relique. La forêt de bannières, de flammes de soie brodées, de pennons bariolés, dansant au bout des lances des seigneurs flamands formait comme un champ de fleurs balancées par le vent et cachait l'église. Les portes, grandes ouvertes, laissaient s'échapper des flots d'harmonie, des cantiques clamés par de solides gosiers flamands sur fond d'orgues rugissantes. Il fallut s'en contenter !

Après de valeureux efforts, l'oncle et la nièce parvinrent à s'installer à l'angle des halles, l'un des meilleurs endroits. Située en face du Palais Ducal, cette encoignure permettait d'avoir une vue d'ensemble sur la vaste place du marché et sur celle du bourg. Deux commères qui s'étaient prises de querelle pour une obscure histoire de coiffe prêtée et non rendue, et que les archers avaient dû séparer, avaient créé un trou dans la foule, lequel trou avait été aussitôt exploité par Mathieu.

Il avait pu s'assurer ainsi la possession de la borne d'angle des Halles qui leur permettrait, le moment venu, de se hausser un peu au dessus de la mer humaine pour voir passer le Saint- Sang. Le précédent locataire de la borne, un long personnage vêtu de velours safran et doté d'une figure morose, toute en ligne descendante, avait bien voulu se pousser un peu pour faire place à la jeune fille. Il avait même plissé les lèvres en une grimace aimable pouvant à la rigueur, passer pour un sourire.

Ses vêtements, ourlés de petit-gris et d'une légère broderie d'argent, étaient d'une certaine élégance, mais une désagréable odeur de sueur s'en dégageait et Catherine s'arrangea pour mettre quelque distance entre elle et l'obligeant bourgeois. Mathieu, lui, n'avait pas de ces délicatesses. Il entama aussitôt une conversation animée avec son voisin. C'était un pelletier venu de Gand pour s'approvisionner dans les comptoirs de la Hanse allemande en fourrures de Russie et de Bulgarie, mais ses discours manquaient de netteté. De toute évidence, la vue de la jeune fille lui donnait des distractions. Il la regardait avec obstination. Désagréablement impressionnée par ce regard trop fixe, Catherine décida de n'y point prêter attention. La foule bariolée qui encombrait la place offrait suffisamment de distractions car les dix-sept nations de marchands ayant des entrepôts dans la grande cité marchande s'y coudoyaient. Les cafetans crasseux, mais ornés de fourrures sans prix, des Russes y frôlaient les robes raides de broderies des Byzantins. Les draps sévères, mais cossus, des Anglais voisinaient avec les velours ciselés, les brocarts chatoyants des marchands de Venise ou de Florence dont la somptuosité faisait un peu nouveau riche et attirait les tire- laine comme le miel attire les mouches. Un énorme turban de satin jaune, rond comme une citrouille et paré d'une aigrette blanche, en fusée, naviguait même au-dessus des têtes, signalant un Turc à la curiosité générale. Enfin, vers le fond du Marché, des baladins avaient tendu des cordes au-dessus de la foule et un maigre garçon, moulé dans un maillot rouge vif, se promenait nonchalamment à la hauteur d'un premier étage, un long balancier entre les mains.

Catherine eut à peine le temps de se dire que celui- là était certainement le mieux placé de tous pour bien voir. Une sonnerie de trompettes d'argent annonçait le départ de la procession. En même temps, toutes les cloches de Bruges se mirent à sonner et la jeune fille, en riant, se boucha les oreilles à cause de celle du beffroi dont le tintamarre lui tombait juste sur la tête.

— Il est de plus en plus difficile d'acheter les laines anglaises à bon compte, se plaignait Mathieu Gautherin. Les Florentins de la Calimala raflent tout à prix d'or et reviennent ensuite ici vendre leurs draps à des taux terrifiants. Je reconnais que leurs tissus sont beaux et leurs couleurs brillantes, mais tout de même ! D'autant plus que l'alun des mines de Tolfa qu'ils ont sous la main leur permet de fixer les couleurs à bon compte...

— Bah ! renchérit son nouvel ami, nous avons, nous autres pelletiers, des difficultés de ce genre. Ces gens de Novgorod n'exigent-ils pas maintenant d'être payés en ducats de Venise ?

Comme si notre bon or flamand n'avait pas autant de valeur...

— Chut... ! fit Catherine que ce bavardage mercantile agaçait.

Voici la procession !

Les deux hommes se turent et le bourgeois de Gand profita de ce que la jeune fille était captivée par le spectacle pour diminuer la distance qu'elle avait mise entre elle et lui. Cela l'obligea à se tordre le cou de côté pour éviter d'être éborgné par les cornes de dentelles de sa haute coiffure. Catherine les yeux écarquillés, ne pensait d'ailleurs plus à lui. La procession s'ébranlait.

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