Читаем Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 полностью

Loyse était sauvée, on allait partir tous ensemble sur un bateau, voir du pays, faire d'autres connaissances... C'était comme une magnifique aventure qui s'ouvrait devant elle, effaçant un peu les traces profondes des douleurs récentes. Les maisons, les carrefours avec leurs fontaines et leurs croix votives défilaient de part et d'autre de ses pieds rapides.

La Seine fut traversée presque d'un seul bond. Mâchefer, malgré le poids de Loyse, bien léger mais réel, semblait voler et les trois autres avaient du mal à le suivre. Enfin ils atteignirent les grèves de sable jaune que le soleil incendiait. Les portes de l'entrepôt des Marchands de l'eau se refermèrent sur eux et les engloutirent dans l'ombre chaude de l'intérieur. Jacquette les guettait. Elle se jeta avec des sanglots sur Loyse toujours évanouie, mais Sara l'écarta assez rudement.

— Elle a besoin de soins, pas de larmes. Laissez- moi faire...

Catherine, hors d'haleine et pleine d'un profond sentiment de satisfaction, se laissa tomber dans la poussière pour reprendre souffle.

Une heure plus tard, assise auprès de Barnabé, à l'avant du chaland, elle regardait défiler Paris. Des larmes roulaient encore sur ses joues et c'était l'adieu à Landry qui les avait fait couler. Cela avait été un moment plus dur que l'adolescente n'aurait cru. Elle avait pris conscience, à ce moment, de la place que le jeune garçon tenait dans sa vie. Quant à lui, il était si ému qu'il n'avait pu retenir une grosse larme qui avait mouillé la joue de Catherine. En l'embrassant pour la première et la dernière fois, elle avait senti sa gorge s'étrangler. Aucun mot n'était parvenu à en sortir. Alors Landry avait promis :

— J'irai te voir un jour, je te le jure. Je veux être soldat et j'irai prendre du service chez Monseigneur de Bourgogne. On se reverra, j'en suis sûr...

Il souriait, essayait de faire le brave mais le cœur n'y était pas. Les coins de la bouche de Landry, qu'il faisait de si vaillants efforts pour relever, retombaient toujours. Barnabé, alors, avait brusqué les adieux, embarqué Catherine presque de force en la prenant sous son bras.

Ainsi portée comme un paquet, elle pleurait comme une fontaine et criait des « au revoir » coupés de sanglots. Les mariniers avaient poussé sur leurs longues perches qui allaient chercher appui sur le fond vaseux de la rivière. Le chaland s'était écarté lentement de la rive, avait glissé sur l'eau jaune, chargée de limon et de sable. Mais les mariniers avaient à fournir un rude effort pour remonter le courant. Ils n'avaient pas pris le milieu où ce courant était plus fort. Ils se tenaient tout près des rives.

Une autre peine pesait sur le cœur de Catherine et c'était l'étrange attitude de Loyse. Lorsqu'elle avait repris conscience, la jeune fille avait d'abord regardé avec étonnement les visages, connus ou inconnus, qui se penchaient sur elle. Elle avait vu sa mère en larmes, sa sœur souriante mais, au lieu de se laisser aller à la joie des retrouvailles et de se jeter au cou de celles qu'elle aimait, elle s'était au contraire arrachée des bras de Jacquette pour aller se tapir dans un coin de l'entrepôt où s'empilaient barriques, balles de cuir, poteries, mesures de bois ou de grains.

— Ne me touchez pas... avait-elle crié si sauvagement que ce cri avait résonné jusqu'au fond du cœur de sa sœur.

Jacquette avait tendu les bras, désespérée.

— Ma petite... ma Loyse ! C'est moi, ta mère... Est-ce que tu ne reconnais plus ta mère ? Est-ce que tu ne m'aimes plus?

Dans son coin, repliée sur elle-même, Loyse avait l'air d'un petit animal pris au piège. On ne voyait dans son visage maigre que ses yeux pâles, agrandis d'horreur. Ses mains étaient crispées sur sa poitrine, si fort que les jointures en étaient toutes blanches, mais un sanglot avait fêlé sa voix.

— Ne me touchez pas. Je suis souillée, impure !... Je ne suis plus que boue et immondices. Je ne peux plus que faire horreur à n'importe quelle honnête femme. Je ne suis plus votre fille, mère, je suis une ribaude, une fille folle, la maîtresse de Caboche l'écorcheur... Allez-vous-en, laissez-moi...

Jacquette ayant voulu s'approcher d'elle, Loyse avait reculé plus loin, se traînant dans la poussière grise du sol comme si la main de sa mère eût été un fer rouge. Sara s'était interposée. D'un bond de chatte, elle avait littéralement sauté sur Loyse, l'avait immobilisée entre ses bras souples et forts. Il n'y avait pas de temps à perdre.

Moi je peux te toucher, fillette. Il y a longtemps que j'ai connu cette souillure dont tu parles, mais tu ne dois pas t'en torturer ni en tourmenter ta pauvre mère, parce qu'elle n'a marqué que ton corps.

Ton âme, elle, est demeurée pure puisque tu n'avais pas voulu cela.

— Non, hurla Loyse, je ne l'ai pas voulu, mais parfois j'ai trouvé du plaisir à ses caresses. Quand ses mains parcouraient mon corps, quand il me possédait, il m'est arrivé de crier dans l'intensité du plaisir... et aussi de le désirer. Moi qui ne vivais que pour Dieu, qui ne voulais que Dieu...

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