Читаем Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 полностью

Le cœur battant, Catherine s'approcha du fauteuil de la duchesse et s'agenouilla, gardant la tête inclinée. Marguerite sourit, en détaillant d'un œil approbateur la toilette de la jeune femme, son décolleté modeste et son front rougissant. Elle n'ignorait pas les vues un peu spéciales que son fils avait sur cette jeune femme et ne s'en offusquait pas. Il était normal qu'un prince eût des maîtresses et, si son orgueil s'était cabré devant l'élévation d'une fille du commun, elle admettait honnêtement que cette bourgeoise avait l'allure d'une grande dame et une beauté véritablement hors de pair.

— Nous serons heureuse de vous compter désormais au nombre de nos dames de parage, dit-elle aimablement. Notre grande maîtresse, la dame de Châteauvillain, auprès de qui nous vous ferons conduire plus tard, vous expliquera votre service. Saluez maintenant nos filles et prenez place sur ce carreau à nos pieds, près de Mademoiselle de Vaugrigneuse...

Elle désignait une jeune fille au visage ingrat mais somptueusement vêtue. Un brocart d'azur et d'argent faisait ressortir assez fâcheusement un teint jaune, hépatique. La jeune fille désignée eut, en s'écartant précipitamment du coussin assigné à Catherine, un dédaigneux mouvement des lèvres qui n'échappa pas au regard aigu de la duchesse.

Nous tenons à ce que l'on sache, ajouta celle-ci, sans élever la voix mais d'un ton si tranchant que l'intéressée devint instantanément écarlate, que la naissance n'est pas tout en ce bas monde et que notre faveur peut en tenir lieu aisément. La volonté des princes a l'égal pouvoir d'élever la modestie là où il lui plaît et de courber plus bas que terre les fronts trop hardis...

Marie de Vaugrigneuse se le tint pour dit et trouva même un sourire pour répondre à celui, timide, de Catherine. Satisfaite d'avoir ainsi mis les choses au point, la duchesse se tourna vers Garin.

— Laissez-nous, maintenant, Messire. Nous souhaitons nous entretenir avec votre jeune épouse de questions ménagères et féminines qui ne sont guère intéressantes pour des oreilles masculines.

La duchesse, ayant vu le jour et passé toute sa jeunesse en Hollande, en avait apporté de solides qualités ménagères, l'amour de l'ordre et d'une maison bien tenue. Elle ne dédaignait pas de s'occuper elle- même du train du palais, veillait aux dépenses de sa maison, aux cuisines et même à la basse-cour. Elle savait, à l'unité près, le compte de ses draps, le nombre des dindons et si la dépense de chandelles était normale ou pas. De plus, elle avait le goût des animaux singuliers. Un marsouin était élevé dans un bassin creusé au milieu du jardin du palais et la duchesse donnait ses soins les plus tendres à un porc- épic pour qui elle avait fait construire une niche au bas de l'escalier de la tour Neuve1. Elle avait aussi un grand perroquet, un merveilleux cacatoès blanc à huppe rose qu'un voyageur vénitien avait rapporté pour elle des îles Moluques. Comme justement un page apportait l'oiseau, hiératique et grognon sur son perchoir d'or, le sujet de conversation entre Catherine et la duchesse fut tout de suite trouvé.

1. Aujourd'hui tour de Bar.

Catherine admira le plumage éclatant de l'oiseau avec une sincérité qui lui gagna le cœur de Marguerite, parla discrètement de son Gédéon sur lequel maintes et maintes questions lui furent posées avec un intérêt non dissimulé. La duchesse avait donné à son oiseau le nom de Cambrai qui avait vu son mariage avec le duc Jean. Elle s'amusa fort des méfaits de Gédéon et de son exil chez le petit médecin maure.

— Il faudra nous amener et l'oiseau et son gardien, fit Marguerite.

Nous sommes curieuse de voir aussi bien l'un que l'autre. Et peut-être ce physicien infidèle pourra-t-il quelque chose pour nos maux, qui sont nombreux.

La duchesse était si enchantée de sa nouvelle dame de parage, que, lorsque les écuyers de bouche apportèrent la collation, elle fit servir Catherine la première. Comme boisson on servit du galant, ce vin cuit fortement aromatisé, que feue la duchesse Marguerite de Flandres avait mis à la mode et qu'elle ne dédaignait pas de fabriquer ellemême. Des gâteaux et surtout le boichet, fait de farine et de miel1

composaient le léger repas.

Dans cette atmosphère de bienveillance et de sympathie, Catherine oubliait sa timidité. Elle sentit qu'elle se plairait, dans ce cercle, même si deux ou trois de ses nobles compagnes, comme Marie de Vaugrigneuse, lui faisaient grise mine. Elle grignota deux darioles et but un gobelet de galant avec plaisir. Garin lui avait dit que la duchesse appréciait les appétits vigoureux à la mode de son pays.

La collation se terminait et les valets emportaient les reliefs, quand un page vint annoncer à la duchesse qu'un chevaucheur de la Grande Écurie du Duc arrivait d'Arras avec un message urgent.

— Conduisez-le ici ! ordonna Marguerite.

I. L'ancêtre du célèbre pain d'épices dijonnais.

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