Читаем Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 полностью

Après ton départ, il a eu une forte fièvre. Il délirait... Un délire bien instructif d'ailleurs, mais tu ne me pardonnerais sûrement pas de me perdre en digressions. Quand nous avons pu reprendre la route, le duc de Bourgogne avait quitté les Flandres et s'était rendu à Paris. Il ne pouvait être question de l'y suivre. Nous n'en serions pas sortis vivants.

Par la voix flûtée, zézayante du petit médecin, Catherine suivait pas à pas le retour d'Arnaud, convalescent hargneux et difficile, vers son maître. Abou disait l'accueil du Dauphin, les merveilles du château de Mehun-sur-Yèvre, la plus aérienne, la plus fantastique des demeures féodales, véritable dentelle de pierre et d'or que le dauphin Charles avait héritée de son oncle Jean de Berry, le plus fastueux mécène du temps. II disait aussi la chaleur du compagnonnage, la fraternité d'armes qui unissait Arnaud de Montsalvy aux autres capitaines du Dauphin. Si évocatrice était la parole de l'Arabe que Catherine croyait voir s'avancer sur le précieux tapis de sa chambre, le jeune Jean d'Orléans, le plus séduisant, le plus chevaleresque aussi des bâtards1, uni au Dauphin par une fraternelle amitié d'enfance, puis la silhouette carrée, brutale du terrible Etienne de Vignolles, si ardent au combat que le surnom de la Hire (la colère) lui allait comme une seconde peau, une âme de bronze dans un corps de fer et avec lui son alter ego, un auvergnat joyeux et féroce, roux comme une châtaigne, nommé Jean de Xaintrailles. Un autre Auvergnat, Pierre de Giac, inquiétant et rusé dont on chuchotait qu'il devait sa faveur à un pacte avec le Diable auquel il avait vendu sa main droite, venait ensuite, puis d'autres encore seigneurs de la tendre Touraine, ou de la redoutable Auvergne, de l'insondable Languedoc ou de la joyeuse Provence, tous ceux qui, fidèles à l'adversité se contentaient d'un roi, une foi, une loi...

I. Le futur Dunois.

Avec quelque perfidie, Abou-al-Khayr décrivait aussi, non sans une ironique complaisance, les dames ravissantes, les fraîches jouvencelles dont Charles VII, qui aimait les femmes presque autant que son cousin de Bourgogne, se plaisait à peupler sa cour. À

l'entendre, la plupart de ces séduisantes créatures n'attendaient qu'un signe du seigneur de Montsalvy pour tomber dans ses bras et singulièrement l'éclatante fille du maréchal de Séverac, une adorable brune aux yeux « longs comme une nuit de rêve »...

— Passons, passons ! coupa Catherine exaspérée par l'enthousiasme machiavélique déployé devant elle.

— Pourquoi donc ? s'étonna Abou-al-Khayr avec une naïveté bien jouée. Il est bon qu'un homme jeune et sain dépense ses forces et prenne du plaisir car le poète a dit : « De ce qui n'est plus et de ce qui sera ne t'occupe pas. Réjouis-toi dans le présent, c'est là le but de la vie... »

— Et mon but à moi n'est pas d'entendre le récit des bonnes fortunes de messire de Montsalvy. Que s'est-il passé ensuite ? s'écria la jeune femme furieuse.

Abou-al-Khayr lui dédia un gracieux sourire et caressa sa barbe de neige.

— Ensuite le Dauphin est devenu le Roi et nous avons eu un couronnement, des fêtes, des joutes que j'ai pu voir de loin, du logis où mon ami m'avait installé et où, d'ailleurs, je recevais force visites.

Le sire de Giac en particulier...

Catherine était à bout de forces. Ses nerfs tendus la torturaient tant qu'elle sentit les larmes lui monter aux yeux.

— Par grâce !! implora-t-elle d'une voix si brisée que le petit médecin en eut pitié.

Il retraça rapidement la vie des derniers mois, les quelques combats auxquels Arnaud avait participé avec la Hire, puis sa désignation pour escorter à Bourg-en-Bresse l'ambassade du roi Charles que menait le chancelier de France, l'évêque de Clermont, Martin Gouge de Charpaignes, un parent d'Arnaud, enfin le départ de l'ambassade que le Cordouan avait suivie.

Bien entendu, il n'avait pas eu la possibilité d'assister aux difficiles négociations que présidait le duc de Savoie, mais, chaque soir, il voyait revenir Arnaud un peu plus furieux. A mesure que, par la bouche de Nicolas Rolin se développait la longue liste des exigences bourguignonnes, croissait la rage du jeune homme. Les conditions de paix, selon lui, étaient inacceptables et, jour après jour, il se retenait de sauter à la gorge de l'insolent Bourguignon qui osait réclamer du roi Charles une amende honorable pour le meurtre de Jean-sans-Peur, la dispense pour Philippe de l'hommage royal dû par tout grand vassal, fût-il duc de Bourgogne, la livraison d'une bonne moitié des terres que l'Anglais n'avait pas encore prises. Les faux- fuyants, les réserves blessantes de maître Nicolas portaient au paroxysme la fureur du bouillant capitaine... et sa haine du duc Philippe.

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