Читаем Abzalon полностью

Pœz essaya de se dégager de l’emprise du patriarche, mais celui-ci avait une poigne de fer et ses contorsions ne réussirent qu’à accentuer la douleur à son bras.

« Je crois qu’il est préférable de t’emmener directement chez les eulans. Eux sauront te remettre les idées en place. »

Joignant le geste à la parole, le vieillard commença à traîner le garçon vers la place octogonale la plus proche. Deux hommes, alertés par les bruits, sortirent d’une cabine voisine et vinrent aux renseignements. Jeunes, les joues ombrées d’une barbe encore clairsemée, ils retirèrent leur chapeau avec déférence.

« Que reprochez-vous donc à ce garçon, Isban Peskeur ? »

Le patriarche s’immobilisa mais ne desserra pas pour autant sa prise.

« Ce démon réunit en lui tous les péchés de l’Amvâya.

— Allons, on lui trouvera sûrement une qualité ! plaisanta l’un de ses interlocuteurs. Nous avons tous fait des bêtises lorsque nous étions enfants.

— L’indulgence, la paresse mentale, voilà les seuls dangers qui guettent les Kroptes.

— Nous savons les épreuves que vous avez traversées, Isban Peskeur, dit le deuxième homme. Personne n’accepte d’un cœur léger de perdre son fils bien-aimé et deux de ses épouses.

— Eshan n’est pas mort ! gronda le vieil homme. On n’a pas retrouvé son corps. Quant à mes épouses, je ne les ai pas perdues, je les ai chassées. Chassées ! »

Ses vis-à-vis se consultèrent du regard puis observèrent le garçon tordu de douleur par les serres d’Isban Peskeur.

« Je ne l’ai jamais vu, celui-là, fit l’un.

— On ne peut pas connaître tout le monde, renchérit l’autre. Nous pouvons vous accompagner si vous le souhaitez, Isban Peskeur. »

Le vieil homme refusa leur proposition d’un vigoureux mouvement de menton.

« Comme vous voulez. Mais ne soyez pas trop sévère avec lui. »

Isban Peskeur les regarda s’éloigner avec une moue de mépris, puis il recommença à traîner Pœz vers la place octogonale. Il n’eut pas le temps d’atteindre l’escalier qui conduisait aux niveaux supérieurs. Une bande d’enfants jaillit soudain d’une coursive et se précipita sur lui. Il voulut les éloigner de sa main libre comme il l’aurait fait d’un essaim de zihotes, mais ils s’accrochèrent à ses jambes, à son cou, lui griffèrent le dos, le mordirent aux bras. Il eut l’impression d’être assailli par une nuée de charognins, meugla et rua comme un yonak, lâcha sa proie, reçut un coup de pied sur le tibia qui le plia en deux, un autre sur les fesses qui l’humilia, un troisième sur le flanc qui lui coupa le souffle. Il n’eut pas d’autre ressource que de se laisser choir sur les premières marches de l’escalier. Il vit, entre ses paupières mi-closes, ses agresseurs s’engouffrer dans la bouche d’une coursive, se dit que la civilisation kropte ne survivrait pas à cet absurde exode, admit tout à coup la mort d’Eshan, tué par cette peste à la beauté diabolique qu’il avait eu la mauvaise idée d’acheter à un fermier misérable du littoral bouillant. Des hommes se pressèrent autour de lui, attirés par le tumulte. Il refusa de répondre à leurs questions, muré dans son silence, dans sa douleur, dans ses regrets. Mort, déjà.

Aphya réintégra le groupe après avoir dormi, selon elle, trois jours d’affilée. La mésaventure survenue à Pœz ne les dissuada pas d’accomplir leur mission quotidienne de ravitaillement mais les incita à redoubler de prudence. Ils jouèrent inlassablement à cache-cache avec les Kroptes qui recherchaient activement les enfants coupables d’une impardonnable agression sur la personne de l’honorable Isban Peskeur, avec les moncles qui étaient tout à coup sortis de leur léthargie pour s’adonner à de mystérieuses activités. Djema conseilla de prendre quelques jours de repos à ceux qui semblaient au bord de l’épuisement, puis établit un roulement régulier dont elle-même s’exempta. Jamais les deks ne manquèrent de vivres en dépit des difficultés grandissantes de leur tâche. La bande y gagna plusieurs surnoms, les « provides » en référence aux fées nourricières de la mythologie astaférienne, les « lakchas » de l’Amvâya kropte, ces étoiles qui descendaient parfois sur Ester pour dispenser leur lait céleste aux voyageurs affamés, les « djorns » de la geste oulibazienne, petits êtres facétieux qui avaient le pouvoir de réaliser les désirs de ceux qui les rencontraient, ou encore, plus prosaïquement, les « fournisseurs ». Ils trouvaient de plus en plus souvent des présents au retour de leurs expéditions, un vêtement confectionné par une femme, une part de gâteau offerte par un enfant, un dessin sur tissu ou une sculpture réalisée par un homme. Ils échappèrent à maintes reprises aux Kroptes et aux moncles, les semant dans le dédale des coursives et des escaliers qu’ils auraient pu parcourir les yeux fermés, se réfugiant si nécessaire dans le domaine 20, où les ventres-communs leur avaient aménagé des cachettes.

Перейти на страницу:

Все книги серии Abzalon

Похожие книги

Аччелерандо
Аччелерандо

Сингулярность. Эпоха постгуманизма. Искусственный интеллект превысил возможности человеческого разума. Люди фактически обрели бессмертие, но одновременно биотехнологический прогресс поставил их на грань вымирания. Наноботы копируют себя и развиваются по собственной воле, а контакт с внеземной жизнью неизбежен. Само понятие личности теперь получает совершенно новое значение. В таком мире пытаются выжить разные поколения одного семейного клана. Его основатель когда-то натолкнулся на странный сигнал из далекого космоса и тем самым перевернул всю историю Земли. Его потомки пытаются остановить уничтожение человеческой цивилизации. Ведь что-то разрушает планеты Солнечной системы. Сущность, которая находится за пределами нашего разума и не видит смысла в существовании биологической жизни, какую бы форму та ни приняла.

Чарлз Стросс

Научная Фантастика